Entrevue avec un brasseur

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
10 octobre 2017
Brasseur : Bastien Têtu
Bastien Têtu
Microbrasserie La Barberie
Brasseur

Parcours

  • Étudiant en sciences politiques à l'université, Bastien ne se destinait pas à la profession de brasseur. Dans ses temps libres, il s'adonnait au brassage amateur avec ses amis. Puisque très peu de bières de microbrasserie étaient disponibles sur le marché au début des années 90, il a tenté quelques démarches afin d'importer les produits de la microbrasserie Okanagan Spring découverts lors d'un voyage en Colombie-Britannique. Il a vite constaté, par contre, qu'il était beaucoup plus simple de fabriquer sa propre bière. Laissant la politique de côté, c’est à La Barberie qu'il a pu développer l'art du brassage à plus grande échelle en travaillant auprès du brasseur qui était déjà en place. Ce métier, qui rejoint autant ses intérêts artistiques que scientifiques, s'est avéré très révélateur puisqu'il y travaille toujours aujourd'hui.

Formation

  • Lorsqu'il a débuté à la microbrasserie, il s'est inscrit à un cours privé de brassage avancé aux Laboratoires Maska inc. afin de développer davantage les notions qu'il apprenait sur le terrain. Il a également fait quelques stages à l'extérieur du pays et visité des brasseries en Europe question de voir un peu comment elles fonctionnaient. L'attestation d'études collégiales (AEC) en techniques de production de microbrasserie n'existait pas à l'époque. De plus, aujourd'hui plusieurs formations universitaires, par exemple, en sciences et technologie des aliments, en microbiologie, en chimie ou en physique peuvent être utiles dans le domaine de la fabrication de la bière.

Tâches

  • Bastien fait au moins deux journées de brassage par semaine et consacre le reste de son temps au nettoyage, à l'embouteillage et à l'entretien préventif des équipements. On doit compter environ 6 heures de travail pour réaliser le brassage d'une bière auxquelles s'ajoutent plus de deux heures de nettoyage avant de pouvoir quitter les lieux. Lorsqu'il brasse, sa place est près des équipements où il va empâter, transférer le moût, faire bouillir, ajouter les houblons, laisser refroidir, mettre dans le fermenteur et ajouter les levures. Il procède également à différents tests pour vérifier la densité, le taux de sucre, la couleur, le pH et parfois il fait même des tests de goût pour s'assurer que le produit sera conforme au résultat attendu. Pour créer une nouvelle bière, l'inspiration lui vient de ses voyages mais également de diverses expériences. Chaque bière a son histoire, comme la blanche aux agrumes qu'il a eu l'idée de créer alors qu'il soignait un mauvais rhume avec du citron et du miel.

    Dans un milieu plus commercial comme chez Molson et Labatt, un brasseur peut être attitré à une seule étape de la conception de la bière, comme la filtration, et ne faire que ça pendant toute la semaine. Certaines entreprises ont par exemple un microbiologiste pour faire les tests, une équipe qui contrôle la qualité des produits et un électromécanicien pour l'entretien et la réparation des installations. Dans une microbrasserie artisanale, le brasseur doit faire plus de choses lui-même, ce qui apporte alors davantage de diversité dans les tâches mais aussi dans les types de bières qu'il va produire.

Intérêts

  • Ce qu'il aime le plus dans sa profession? La bière! L'hiver, c'est réconfortant pour lui de faire une stout car ça lui rappelle l'odeur de l'espresso tandis que l'été, il préfère brasser une IPA. Faire le processus au complet, être dans le concret, travailler avec la matière, ça l'interpelle beaucoup. Son travail prend tout son sens quand il voit les gens heureux sur la terrasse avec une bière à la main. Ce qui est le plus exigeant, ce sont les journées de brassage qui ne lui laissent aucun moment de répit, pas même 10 minutes pour manger sur l'heure du dîner. Au niveau des étapes de fabrication, l'embouteillage l'attire un peu moins en raison de son côté très répétitif. Par contre, les palettes de bières qui sont prêtes à sortir à la fin de la journée lui procurent beaucoup de satisfaction.

Qualités

  • La rigueur est de mise. Il est très important que chaque brasseur respecte minutieusement la façon de faire, car même si une recette est faite par différentes personnes, la bière, elle, doit toujours goûter la même chose. Avec toutes les nouvelles microbrasseries qui émergent, c'est la constance et la qualité des produits qui permet de se démarquer. Ça prend des gens qui sont manuels, polyvalents et qui ont de l'initiative, surtout dans une petite microbrasserie. De plus, il est très important d'être méticuleux car rien ne doit être laissé au hasard. Pour trouver de nouvelles idées de recettes, ça prend aussi un brin de curiosité.

Capacités physiques

  • Ce travail interpelle beaucoup les sens et le goût, plus particulièrement, doit être développé. Vu que les tâches sont effectuées debout la plupart du temps, ça demande quand même une bonne endurance physique. Il y a également beaucoup de choses très lourdes à transporter comme les fûts et les poches de grains.

Aspect méconnu

  • Dans ce métier, une seule minute peut tout changer. Les temps d'exécution sont très précis. Les ingrédients sont importants mais la vitesse et la manière de reproduire les étapes d'un brasseur à l'autre comptent également pour beaucoup. Le brasseur doit demeurer très concentré. Par la suite, les traces et les résidus doivent être éliminés de la salle de brassage à l'aide de diverses techniques et de produits spécialisés qui rendent l'endroit exempt de toute bactérie. Ce n'est pas un nettoyage de base, car les cuves, les chaudrons, les planchers, tout doit y passer.

Conseils

  • Avant d'en faire une profession, une expérience de brassage amateur maison demeure le point commun de la plupart des gens du domaine. La pratique constitue un aspect incontournable du développement des compétences. Des connaissances à ce sujet peuvent s'acquérir dans les tutoriels sur Internet, la documentation faite par les associations ou encore dans les revues spécialisées. Au fil du temps, certains brasseurs amateurs réussissent à produire des bières de qualité équivalente à des produits de microbrasserie. Avec cette expérience, il est ensuite plus facile de devenir assistant-brasseur ou brasseur en tant que tel dans une microbrasserie.
Entrevue réalisée par Pascale-Andrée Boivin