Entrevue avec une chimiste judiciaire

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
14 novembre 2017
Chimiste judiciaire : Édith Viel
Édith Viel
Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale à Montréal
Chimiste judiciaire

Parcours

  • Au secondaire, Édith avait beaucoup de talent et de facilité en mathématiques. Poursuivre ses études dans ce domaine aurait été naturel mais au lieu d'opter pour la facilité, elle a choisi d'aller vers ses intérêts les plus profonds. Elle a toujours aimé avoir un impact très direct sur les choses. Au départ, Édith avait songé à la médecine mais c’est plutôt la chimie qu’elle a approfondit à l’université. Au fil du temps et des expériences, elle s’est spécialisée en toxicologie. Croyez-vous que son travail est comparable à celui des experts CSI de la populaire série télévisée? C’est ce que nous allons découvrir.

Formation

  • L’aspect coopératif du programme de baccalauréat en chimie de l’Université de Sherbrooke lui a donné l’avantage considérable d'explorer le marché du travail lors de différents stages. Ces occasions lui ont permis de connaître les divers milieux de travail qui pouvaient s’offrir à elle, de développer des expériences concrètes et de se créer un réseau de contacts. C’est d’ailleurs grâce à un stage au Laboratoire de contrôle du dopage sportif qu’elle a pu y travailler après ses études. Lors de sa formation, elle a appris les connaissances incontournables de la chimie générale, mais c’est vraiment sur le marché du travail qu’elle a acquis les notions plus spécialisées de toxicologie qui lui servent dans son emploi actuel au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale.

Tâches

  • La chimie judiciaire compte deux domaines principaux, soit la criminalistique et la toxicologie. Ceux-ci permettent, entre autres, d’orienter les coroners et les pathologistes dans la rédaction de leurs conclusions sur les causes et les circonstances des décès. En criminalistique, les gens travaillent au niveau de l’analyse des fibres, des peintures, des solvants, des incendies, etc. Afin d'aider les enquêteurs à conclure si un incendie est criminel ou non, ils vont déterminer, par exemple, si de l’essence a été aspergée sur les lieux. Lors d’une collision automobile, ils peuvent également analyser les traces de peinture présentes sur un véhicule et relier les pigments à la couleur d’une voiture suspecte qui a été retrouvée dans un autre endroit. En toxicologie, Édith travaille plutôt à l'analyse de composants biologiques ou de prélèvements corporels tels que l’urine, le sang, le liquide oculaire, etc. Elle vérifie s’il y a présence ou non de drogues, d’alcool ou de médicaments chez les victimes dans divers dossiers d’homicide, de mort suspecte, d’agression sexuelle ou de conduite avec les facultés affaiblies. Elle doit faire une véritable enquête basée sur les résultats scientifiques obtenus à la suite des analyses mais également sur tout ce qui entoure les événements afin de produire un rapport qui sera utilisé par le pathologiste pour déterminer la cause probable de la mort d’une personne. Le travail d’Édith vient aussi avec un rôle bien important, celui de témoin expert à la Cour de justice. Avant de se présenter à une audience, elle doit bien se préparer pour être en mesure de répondre adéquatement aux questions qui lui seront posées afin d'aider la Cour à comprendre les faits et apporter certaines précisions en lien avec son expertise.

Intérêts

  • Le travail d’équipe est fréquent et c’est un gros avantage car elle peut compter sur la collaboration de ses collègues. Elle apprécie particulièrement donner des formations auprès des policiers ou des procureurs, par exemple, pour leur expliquer ce qu’elle fait comme travail ou encore les informer sur une nouvelle drogue qui vient de faire son apparition. Bien que la nécessité de sa présence en Cour dans différents dossiers lui apporte un certain niveau de stress à gérer, cela l'incite continuellement à se surpasser.

Qualités

  • L’élément essentiel à posséder est la rigueur scientifique. Elle doit être certaine de la fiabilité de ses informations avant de signer un rapport car il y a un impact réel lié à cette analyse, qui peut aller jusqu’à la condamnation d’une personne pour un acte criminel. Il est très important de vérifier et de contre-vérifier ce qu’elle affirme. Les histoires de meurtres et d’homicides qu’elle doit lire pour bien faire son travail peuvent parfois être exigeantes émotivement et même en ayant un esprit scientifique, certains événements peuvent la toucher plus que d’autres. La capacité d’établir une distance émotive face aux cas qu’elle doit analyser l’aide à prendre un peu de recul dans ces moments. Il est également primordial d’avoir une bonne gestion du stress et de l’anxiété, qualités essentielles au rôle de témoin expert à la Cour.

Aspect méconnu

  • Si vous êtes fan de la série CSI, il faut savoir que certaines limites s’appliquent dans la réalité. En tant que chimiste judiciaire, Édith ne se déplace pas sur les lieux des crimes comme le font les experts dans la série. Ce sont plutôt les pathologistes et les policiers enquêteurs qui sont en contact avec les corps et qui doivent se rendre sur les lieux. En réalité, les prélèvements et les pièces à conviction recueillies sont acheminés au laboratoire où les chimistes judiciaires passent la majeure partie de leur temps à faire leurs analyses et à rédiger leurs rapports. De plus, les gens y travaillent selon leur spécialité et ne sont pas experts dans tous les domaines. Ce n’est pas une seule et même personne qui travaille au niveau de la balistique, de la biologie et de la toxicologie par exemple. Comme le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale traite des dossiers de partout au Québec, certaines nouvelles diffusées dans les médias concernent parfois un cas sur lequel Édith est en train de travailler. Même si les gens lui posent des questions sur ce qu’elle fait, le secret professionnel doit toujours être respecté. Il va sans dire, le côté mystique de cette profession suscite généralement beaucoup l’intérêt des gens.

Conseils

  • Édith prône l’expérience sur le terrain, par des stages ou différentes activités comme des expos- sciences. Selon elle, c’est en développant un côté pratique qu’on peut valider ce que l’on aime vraiment. Pour cette raison, elle suggère de comparer les diverses options des programmes offerts d’une université à l’autre avant de s’y inscrire. Es-tu déjà rigoureux dans ta vie personnelle? Es-tu structuré dans tes devoirs? Te dis-tu, ça va passer, j’en ai assez fait ou tu t’affères plutôt à parfaire les choses quand tu entreprends un projet? Ce sont déjà de bons indices pour vérifier si tu possèdes les aptitudes nécessaires.
Entrevue réalisée par Pascale-Andrée Boivin