Entrevue avec une infirmière praticienne spécialisée

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
12 décembre 2017
Infirmière praticienne spécialisée : Isabelle Têtu
Isabelle Têtu
CLSC de la Haute-Ville
Infirmière praticienne spécialisée

Parcours

  • Un ami lui a lancé un jour l'idée de faire du travail de rue, c'est alors qu'un véritable déclic s'est produit à la fin de son secondaire. Pendant une quinzaine d'années, elle a travaillé auprès des itinérants, des toxicomanes et d'autres clientèles vulnérables. Intervenir auprès des moins nantis l'a toujours intéressée car c'est une belle manière, pour elle, qui a toujours été choyée dans la vie, de donner au suivant. Cependant, elle constate sur le terrain que beaucoup de personnes ont également des problématiques de santé mais que leur condition de vie les empêche souvent d'obtenir les soins dont elles auraient besoin. Pour avoir la possibilité de les aider davantage, elle se tourne finalement vers les soins infirmiers.

    En tant qu'infirmière, elle offre des services de première ligne au CLSC Haute-Ville tels que du dépistage des ITS (infections transmissibles sexuellement), des suivis de maladies chroniques ou des soins courants en lien avec diverses infections. Au fil du temps, elle a découvert qu'elle pouvait se spécialiser davantage en soins infirmiers et devenir infirmière praticienne spécialisée (IPS). C'est ce travail qu'elle exerce actuellement à la SABSA (service à bas seuil d'accessibilité), une coopérative de solidarité où elle fait d'ailleurs partie des membres fondatrices. Ses apprentissages préalables en service social lui ont apporté une connaissance du milieu communautaire, de la clientèle et des différents corridors de service qui lui est très utile.

Formation

  • Isabelle a tout d'abord fait une Techniques d'intervention en délinquance au cégep. Elle a poursuivi ses études à l'université où elle a complété un premier baccalauréat en service social puis un second en sciences infirmières. À cette étape, le besoin d'en apprendre davantage et de parfaire ses connaissances l'a incitée à opter pour la maîtrise en santé communautaire. Toutefois, pour accéder à la profession d'IPS, elle devait obtenir un diplôme d'études de 2e cycle en sciences infirmières. C'est donc ce qu'elle a fait par la suite. Bien que les programmes qu'elle a suivis soient interreliés, ils ne constituent pas le cheminement habituellement emprunté pour accéder à la profession mais les choix qu'elle a faits lui ont permis de se spécialiser dans le domaine où elle travaille actuellement.

Tâches

  • Les tâches peuvent être très différentes selon la clientèle et le milieu de travail. La majorité des gens qu'Isabelle rencontre ont une vulnérabilité au niveau de la santé mentale, souffrent de toxicomanie, sont atteints du VIH, de l'hépatite C ou du diabète. Il s'agit de particularités qui teintent nécessairement sa pratique. En tant qu'IPS, il y a certaines choses qu'elle peut amorcer, tandis que pour d'autres, elle doit avoir l'aval d'un médecin. Elle peut agir de façon autonome pour les problèmes de santé courants. Elle peut également faire des suivis de grossesse jusqu'à 32 semaines ou encore prescrire des prélèvements sanguins. En une journée, elle peut voir jusqu'à 16 patients. L'IPS a également comme tâche de faire la promotion de la santé et la prévention des maladies. Elle va donc agir au niveau de l'éducation de la population et transmettre diverses informations aux personnes qui viennent consulter.

Intérêts

  • Elle aime beaucoup la latitude et la flexibilité que lui offre son milieu de travail. Elle a vraiment l'impression de pouvoir changer quelque chose dans la vie des gens moins favorisés. Elle peut s'occuper des 0 à 99 ans et rencontrer tous les types de problèmes de santé. Lorsqu'elle fait le suivi d’une personne qu'elle a aidée à cheminer et qu'elle constate que l'intervention a fonctionné, c'est vraiment gratifiant pour elle. Bien qu'elle travaille avec d'autres types d'infirmières, Isabelle est la seule IPS dans son milieu et elle trouve cela parfois difficile. Travailler pour un organisme à but non lucratif nécessite également de participer à des levées de fonds. Elle doit parfois représenter et promouvoir l'organisme lors de différents événements, ce qui s'ajoute à ses journées déjà bien remplies.

Qualités

  • Une IPS doit être autonome, responsable, fonceuse et polyvalente. Pour quelqu'un qui désire travailler auprès d'une clientèle vulnérable, il est également essentiel d’avoir une certaine force psychologique pour faire face à tout ce qu'elle pourra rencontrer comme situation dans sa pratique. Avec une attitude d'ouverture et de la patience, il sera alors possible de bien intervenir. C’est important d'être engagé auprès de ses patients car ils ont droit aux soins de santé peu importe leur statut. Une bonne capacité d'adaptation est également nécessaire car les rendez-vous de la journée peuvent être modifiés sans préavis.

Aspect méconnu

  • L'autonomie professionnelle que peuvent avoir les IPS est peut-être l'aspect le moins connu de cette profession. Elles prescrivent, entre autres, des examens d'imagerie médicale, des examens de laboratoire, des radiographies et des traitements. Il n'y a pas beaucoup d'IPS qui travaillent auprès des itinérants ou des toxicomanes et les gens s'attendent plutôt à les retrouver dans un hôpital ou un CLSC. Ce peut être bien valorisant pour une infirmière de travailler auprès de cette clientèle mais c'est également très exigeant car il arrive souvent que des patients ne se présentent pas aux rendez-vous, sont sous l'effet de substances, sont incohérents ou ont de la difficulté à raconter une histoire structurée.

Conseils

  • Des défis dans ce domaine et, plus particulièrement, avec les itinérants ou les toxicomanes, il y en a continuellement. Comment motiver quelqu'un à ne pas lâcher? Par le travail sur soi et la formation. Des patients avec des troubles de personnalité limite, par exemple, Isabelle en rencontre très souvent. Ces patients testent les limites du professionnel par leur attitude et leur manière d'agir. Donc si la personne ne se connaît pas bien, ça risque d'être difficile. Il est également important d'avoir une bonne hygiène de vie, de faire autre chose que de la relation d'aide dans ses temps libres. La coupure n'est pas nécessairement facile à faire mais elle est primordiale. Isabelle n'intervient pas seulement auprès d'une clientèle vulnérable, il y a également des gens qui viennent consulter pour une simple grippe ou une otite. Elle peut ainsi maintenir un bel équilibre.
Entrevue réalisée par Pascale-Andrée Boivin