Entrevue avec une agricultrice

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
10 avril 2018
Agricultrice : Marjolaine Turcotte
Marjolaine Turcotte
Ferme Poulin Turcotte
Agricultrice

Parcours

  • Lorsque l'on grandit sur une ferme, il peut paraître évident de prendre la relève de l'entreprise familiale, mais pour Marjolaine cela n'a pas été un automatisme. Elle a vu ses parents travailler très dur pour réussir dans le domaine maraîcher et, à ce moment, la photographie l'interpellait davantage. Par contre, les opportunités de travail comme photographe se sont avérées moins intéressantes qu'elle croyait et cela l'a amenée à réfléchir à son avenir. C'est alors qu'elle commence à voir la profession d'agricultrice comme une avenue intéressante car elle lui offre la possibilité de travailler en plein air et d'être son propre patron. Sa mère s'occupait seule de l'entreprise lorsque Marjolaine s'est jointe à elle en 2009. Et depuis 3 ans, la Ferme Poulin Turcotte compte 3 associés puisque son conjoint fait désormais partie de l'entreprise.

Formation

  • Elle a tout d'abord obtenu un diplôme d'études professionnelles (DEP) en photographie au Centre de formation professionnelle Fierbourg pour ensuite en compléter un autre en production horticole. Même si elle travaillait sur la ferme depuis l'âge de 10 ans, Marjolaine voulait bonifier l'expérience qu'elle avait acquise sur le terrain par d'autres connaissances et ainsi pouvoir apporter sa touche personnelle à l'entreprise. De plus, la formation l'a poussée à se dépasser car elle a appris, entre autres choses, à manœuvrer les tracteurs alors qu’elle n'avait jamais voulu le faire sur la ferme. Même si elle n'exerce pas le métier de photographe, il demeure très pratique de pouvoir faire de belles photos pour publiciser elle-même ses produits, alimenter visuellement son site Internet ou encore faire de beaux étalages dans les marchés publics en disposant les fruits et les légumes de manière attrayante.

Tâches

  • Marjolaine partage ses tâches avec son conjoint et sa mère. Bien que l'été soit le moment le plus occupé, il y a du travail à faire tout au long de l'année. En février, ils planifient la production et font les commandes de semences pour la saison à venir. Au printemps, ils opèrent la cabane à sucre où ils fabriquent des produits de l’érable qu'ils vendent dans leurs paniers de fruits et légumes. Au même moment, ils font les semis qui vont servir à faire leurs plantations au champ en mai et en juin. De fin juin à début novembre, ils s'affairent aux récoltes qui permettent à 200 familles de recevoir hebdomadairement des paniers de produits qu'ils ont cultivés.

    En haute saison, les semaines sont bien occupées. Du lundi au jeudi, les récoltes prennent la majeure partie de leur temps alors que le reste de la semaine est plutôt consacré à faire du désherbage ou des nouveaux semis. Ils livrent également eux-mêmes leurs paniers 4 fois par semaine dans divers endroits de la ville de Québec. Marjolaine travaille habituellement de 7 h 30 le matin jusqu'au coucher du soleil. L'horaire d'un agriculteur peut être bien différent d'une ferme à l'autre mais aussi selon les types de cultures ou les espèces d'animaux qu'ils élèvent. Par exemple, les journées débutent plus tôt pour ceux qui doivent traire des vaches.

Intérêts

  • Ce qu'elle aime plus que tout, c'est le contact avec la nature. Voir pousser les légumes l'émerveille constamment. La gestion du temps est son plus grand défi car il devient difficile, en habitant sur son lieu de travail, de fermer les yeux sur les mauvaises herbes à enlever puisqu'elle voit les champs par la fenêtre de sa cuisine. Afin de pouvoir décrocher un peu, elle a d'ailleurs établi des heures particulières où elle peut parler de travail avec son conjoint et d'autres moments où c'est interdit. Ils ont également aménagé le bureau de l'entreprise dans une pièce à part afin de mettre une petite distance entre le travail et la vie personnelle. Même si elle a moins d'intérêt pour les tâches administratives que tout agriculteur doit effectuer, cet aménagement rend toutefois la chose plus agréable.

Qualités

  • En plus de savoir travailler la terre, Marjolaine trouve important qu'un agriculteur possède certaines qualités de gestionnaire pour diriger son entreprise et prendre des décisions. Un sens de la planification est également essentiel pour prévoir la production. De plus, la débrouillardise est souvent mise à profit car la température ou certaines situations du quotidien impliquent de devoir gérer des imprévus et de s'adapter continuellement. Lorsque quelqu'un grandit sur une ferme, il peut être tenté de reproduire les façons de faire qu'il a toujours vues et il est bien important, selon Marjolaine, d'avoir une ouverture d'esprit face à de nouvelles idées ou de nouvelles manières de travailler.

Aspect méconnu

  • Les fermes nécessitent souvent de gros investissements que les agriculteurs doivent rentabiliser. Même si les producteurs planifient par nécessité beaucoup de choses dans leur métier, ils demeurent dépendants de bien d'autres facteurs sur lesquels ils n'ont aucune emprise comme la température et les accords de libre-échange entre les pays qui affectent directement leur gagne-pain. Ces situations peuvent occasionner un stress financier important. La relève, qui est de plus en plus difficile à trouver, constitue une préoccupation sans cesse grandissante mais Marjolaine voit présentement une tendance prometteuse se dessiner. Certains propriétaires qui ont une toute nouvelle façon de voir les choses louent leur terre afin que d'autres agriculteurs puissent l'exploiter. Ils viennent ainsi en aide aux gens qui n'ont pas les moyens de posséder une ferme mais qui sont intéressés par l'agriculture.

Conseils

  • Lors du démarrage d'une entreprise, il est plus gagnant, selon Marjolaine, d'avoir une plus petite production et de l'augmenter d'année en année plutôt que de voir trop grand et de ne pas réussir à satisfaire les clients. Il n'est pas nécessaire d'avoir grandi sur une ferme pour s'intéresser au domaine. Une personne peut, par exemple, débuter comme ouvrier sur une ferme. Cette main-d'œuvre est d’ailleurs beaucoup en demande. De cette façon, elle peut se retrouver dans le milieu, voir comment ça se passe et avoir une bonne idée de la réalité qui peut l'attendre comme futur producteur, selon Marjolaine. Elle conclut en appuyant sur le fait qu’il est difficile de traverser les années sans être passionné, alors il vaut mieux savoir dès le départ si l'intérêt est vraiment présent.
Entrevue réalisée par Pascale-Andrée Boivin