Entrevue avec une tatoueuse

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
12 février 2019
Tatoueuse

Ce mois-ci, nous vous invitons à faire une incursion dans le monde méconnu du tatouage. L'Équipe REPÈRES a rencontré Patty Ouellet, tatoueuse, propriétaire de son propre salon de tatouage. Elle a accepté de partager avec nous son quotidien ainsi que les aspects méconnus de son travail.

Patty Ouellet
Propriétaire d'un salon privé de tatouage
Tatoueuse
Question
Comment avez-vous choisi votre métier?
Réponse

Je travaillais avant comme intervenante en toxicomanie et rien ne me destinait à devenir tatoueuse même si j’étais passionnée par le tatouage depuis longtemps. J’ai d’ailleurs eu mon premier tatouage très jeune. Un de mes amis, qui était tatoueur, m’a initiée aux rudiments du métier. J’ai passé beaucoup de temps à son salon de tatouage où il m’expliquait les principes de base de son travail. J’ai commencé à tatouer simplement par plaisir, sans penser en faire vraiment mon métier. Peu de temps après, j’ai finalement quitté le milieu de l’intervention communautaire pour tatouer à temps plein. J’ai maintenant mon propre salon de tatouage.

Question
Quelles sont vos tâches dans une journée type de travail?
Réponse

Je dois d’abord rencontrer le client et discuter de son projet de tatouage. Je prends des notes pour ensuite créer le dessin qui servira de modèle au tatouage sur la peau. Une fois les balises du projet déterminées, je planifie un autre rendez-vous pour effectuer le tatouage. Au cours d’une journée, je peux avoir un seul rendez-vous si le concept à réaliser est assez élaboré tandis que le lendemain je peux en avoir trois à l’horaire parce qu’ils sont moins complexes. Avant l’arrivée de mes clients, je prépare mon espace de travail, je sélectionne les encres que je vais utiliser et je nettoie mes instruments. L’aspect sanitaire est très important. Je présente le dessin que j’ai réalisé au préalable au client et s’il y a des modifications à faire, nous les faisons immédiatement. J’imprime ensuite un pochoir que je colle sur la peau à l’emplacement voulu, ce qui me permet de tracer les lignes de contour pour reproduire le dessin et finalement de procéder au tatouage.

Question
Qu’est-ce que tu aimes le plus de ta profession?
Réponse

C’est le contact avec les clients. Les gens se font souvent tatouer parce que ça représente quelque chose d’important pour eux et la signification de leur tatouage me permet de les connaître un peu. Ça rejoint un aspect que j’aimais dans le domaine de l’intervention sociale. De plus, j’aime vraiment l’aspect créatif de mes tâches. Ce métier apporte également beaucoup de reconnaissance car un tatoueur développe un lien particulier avec ses clients. On est proches physiquement et ça pousse à l’ouverture. Je deviens alors un peu leur confidente. J’adore ça quand je les croise par hasard et qu’ils sont fiers de me présenter : « c’est ma tatoueuse »! Je constate vraiment le lien qui s’est créé entre nous.

Question
Quels sont les aspects méconnus de votre métier?
Réponse

Notre métier est souvent considéré comme étant moins sérieux parce qu’il n’y a pas de formation scolaire. Il n’y a pas non plus de règlementation actuellement pour encadrer la profession donc n’importe qui peut malheureusement s’improviser tatoueur. Il y a énormément de choses qui s’apprennent seulement auprès d’un tatoueur d’expérience. Il faut savoir comment  stériliser ses instruments, comment réagit la peau, à quelle profondeur introduire son aiguille, quelle encre utiliser, etc. On doit s’occuper, en plus de dessiner et de tatouer, des commandes de fournitures, de la comptabilité et de beaucoup d’autres aspects relatifs à la gestion d’une entreprise. Ce n’est pas parce qu’on travaille à notre compte qu’on peut toujours faire ce que l’on veut. Mes rendez-vous sont planifiés des mois à l’avance et, si j’ai un imprévu, je ne peux pas nécessairement les annuler.

Question
Qu’est-ce qu’un futur tatoueur devrait savoir?
Réponse

Il faut se démarquer et avoir son propre style. Il est important d’être patient, de bien travailler ses dessins et de se bâtir un portfolio solide. On ne devient pas tatoueur du jour au lendemain. La personne doit souvent avoir un autre emploi pendant qu’elle apprend à tatouer. Il est préférable de consacrer un certain temps à son apprentissage afin d’avoir une belle carrière par la suite plutôt que de vouloir aller trop vite, de tatouer sans expérience et de perdre son nom. C’est un milieu où la réputation est très importante. Les réseaux sociaux donnent une belle vitrine et permettent de se faire connaître. Dernièrement, j’ai participé à un congrès à Amsterdam où je suis allée effectuer des tatouages. Ce genre d’événements ouverts au public existe également au Québec et peut permettre à quelqu’un qui n’est pas du tout familier avec le domaine de se faire une bonne idée de la profession, de discuter avec des tatoueurs et de les regarder travailler.

Entrevue réalisée par Pascale-Andrée Boivin