Entrevue avec une conductrice de camion

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
3 mars 2020
Entrevue avec une conductrice de camion

De plus en plus de femmes exercent des métiers non traditionnels. Nous vous présentons ici une entrevue avec Sabrina Comeau qui a fait le choix de devenir conductrice de camion à la suite d'une réorientation de carrière. Elle nous raconte son cheminement et les particularités de son travail.

Sabrina Comeau
Excavation EXT
Conductrice de camion
Question
Comment avez-vous choisi votre profession?
Réponse

Le choix du métier de conductrice de camion s’est fait à la suite d’une réorientation de carrière. J’étais auparavant assistante dentaire et, ne me sentant pas à ma place dans ce métier, j’ai décidé de changer complètement de domaine.  Mon père avait une compagnie d’excavation et j’ai commencé à travailler pour lui en tant que journalière, c’est-à-dire que j’effectuais diverses tâches manuelles sur les chantiers.  

Quelque temps plus tard, notre conducteur de camion a quitté l’entreprise et j’ai décidé de le remplacer. N’étant pas détentrice du DEP en Transport par camion, j’ai dû apprendre le métier en cours d’emploi avec mon père et suivre quelques cours offerts par des écoles privées. Après avoir passé avec succès l’examen de la SAAQ, j’ai pu obtenir mon permis de conduire de classe 3 et conduire des camions porteurs, c’est-à-dire des camions qui n’ont pas de remorque. À la suite de la vente de la compagnie de mon père, j’ai également travaillé en tant que sous-traitante pour une autre compagnie et je travaille maintenant pour la compagnie de mon conjoint où je conduis un camion-benne 10 roues.   

Question
À quoi ressemble une journée type de travail?
Réponse

Lors d’une journée typique de travail, je débute habituellement vers 6 h en effectuant une ronde de sécurité de mon camion pour m’assurer que tout est conforme avant de prendre la route. Je dois également faire monter l’air dans les freins avant de partir. Par la suite, selon les besoins du projet pour lequel je travaille, je peux aller chercher un chargement directement sur le chantier et le transporter à un autre endroit ou encore me rendre dans une carrière en premier pour aller chercher des matériaux et les amener au chantier. Dans un tel cas, je dois me rendre tôt à la carrière pour recevoir mon chargement, passer à la balance et arriver à temps sur le chantier. Je passe généralement le reste de la journée à faire la navette entre les deux endroits pour transporter mes cargaisons.  Sur certains projets, il arrive également que je passe la journée à faire des voyages d’un endroit à un autre sur le même chantier, ce qu’on appelle dans notre langage “faire la brouette”. Mes journées de travail se terminent généralement vers 17 h, parfois plus tard, selon les projets.   

Étant donné que notre entreprise est petite, je ne suis pas à temps plein dans mon camion. J’effectue également des tâches de comptabilité et de représentation et il m’arrive également, puisque que j’ai mes cartes d’apprenti opérateur, d’opérer la pelle mécanique et le tracteur sur certains de nos chantiers, selon les besoins.   

Question
Qu’est-ce que vous aimez le plus et le moins dans votre travail?
Réponse

Ce que j’aime par-dessus tout dans mon travail, c’est le sentiment de liberté que je ressens lorsque je suis sur la route avec mon camion! J’apprécie aussi énormément l’atmosphère conviviale qui règne habituellement avec les autres camionneurs et les journaliers sur les chantiers et dans les carrières. Mon métier m’apporte également une certaine diversité dans les tâches que j’effectue chaque jour. En effet, même si je conduis presque toujours un camion, les projets sur lesquels je travaille sont tous différents. Par exemple, les projets peuvent être liés à de l’excavation, de la construction et même de la démolition de maison, tâche que j’aime particulièrement réaliser.   

La tâche que j’aime le moins est celle de la brouette énoncée précédemment. Cela implique de rester toute la journée sur le même chantier et de transporter des chargements d’un endroit à un autre. Cette tâche est monotone et répétitive. L’augmentation du trafic sur les routes ces dernières années est un autre élément que j’aime moins, car le temps passé dans la circulation rend plus difficile le respect des délais de livraison et génère un certain stress. Il y a également de plus en plus de lois à respecter dans le domaine du camionnage, ce qui peut être plus contraignant que par le passé. Finalement, l’ignorance des automobilistes par rapport aux dangers liés à la conduite d’un poids lourd est un élément qui rend mon travail plus stressant. Plusieurs d’entre eux, sans vraiment s’en rendre compte, effectuent des manœuvres pouvant être dangereuses pour nous et pour eux.   

Question
Qu’est-ce qui est méconnu de votre profession?
Réponse

Les gens s’imaginent souvent que c’est très difficile de manœuvrer un camion, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Lorsque le camion est bien ajusté à la personne, la conduite n’est pas plus difficile que pour une petite voiture. Cependant, le poids fait en sorte qu’un camion prend plus de temps pour s’immobiliser qu’une automobile. À titre d’exemple, mon camion pèse près de 55 000 livres lorsqu’il est chargé. Finalement, le travail ne se résume pas simplement à la conduite. Il faut également être en mesure d’effectuer le chargement et le déchargement de son camion et être respectueux des règles de sécurité, ce qui implique des apprentissages.   

Question
Qu’est-ce que vous diriez à une personne qui désire faire ce choix de carrière?
Réponse

Je dirais à cette personne qu’elle doit tout d’abord être en forme, car, l’air de rien, il est exigeant de monter et de descendre du camion à plusieurs reprises dans la journée. Il faut aussi monter souvent dans la benne et pelleter les matériaux qui y sont restés après un déchargement, être en mesure d’ouvrir la porte de la benne de certains camions, etc. La forme physique est d’autant plus importante pour une fille, car elle doit être en mesure d’effectuer les mêmes tâches que les hommes. Il est important également d’avoir une bonne endurance physique. En effet, les journées de travail sont souvent très longues et la personne doit être en mesure de conserver en tout temps sa concentration sur la route et sur le chantier afin d’éviter les accidents.   

Un autre conseil que je donnerais serait celui d’aller suivre la formation qui permet d’obtenir le permis de classe 1 afin de pouvoir conduire une plus grande variété de camions et ainsi s’ouvrir à plus d’opportunités d’emploi.   

Finalement, je dirais aux filles qui désirent faire ce métier de foncer sans hésiter! Je remarque depuis quelques années que nous sommes de plus en plus à conduire des camions. Il y a donc de la place pour les filles dans ce métier.   

Entrevue réalisée par Julie Gauvin, c.o.