Portrait d’un travailleur en intelligence artificielle : lorsque la technologie et l’expertise du secteur se rencontrent

Zone collaborateurs
22 juin 2020
Portrait d’un travailleur en intelligence artificielle : Lorsque la technologie et l’expertise du secteur se rencontrent

Paul Stastny du Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC) nous offre ce mois-ci un texte présentant les nouvelles possibilités d'emploi dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA). 

L’intelligence artificielle (IA) s’est développée rapidement au cours des dernières années, alors que les entreprises, les gouvernements et les organisations cherchent de nouvelles perspectives et économies. Cette croissance engendre de nouvelles possibilités d’emploi dans ce domaine parfois méconnu.  

Malgré les actualités qui nous inondent d’informations sur la COVID-19, l’IA fait les manchettes : elle permet de faire le suivi de la propagation des maladies infectieuses, de scruter des dizaines de milliers de documents de recherche sur le coronavirus pour y trouver des indices en vue d’un nouveau vaccin, et de faire le triage des patients potentiellement atteints de la COVID-19, par opposition aux cas moins graves, dans les centres d’appels des hôpitaux. 

L’IA semble être partout, mais à quoi ressemble-t-elle? Quelles sont les qualifications nécessaires? Quelle est la demande liée à ces compétences aujourd’hui et demain?  

IA générale et IA faible 

En dressant le portrait d’un travailleur en IA, le rôle de l’IA dans la lutte contre la pandémie du coronavirus sert de canevas : des experts des soins de santé travaillent avec des experts informatiques pour créer de nouveaux outils afin d’améliorer les résultats en matière de santé. 

« Lorsque les gens parlent d’intelligence artificielle, ils pensent souvent à l’intelligence artificielle générale, c’est-à-dire une machine capable de cognition humaine, précise Peter Taillon, analyste principal des données au sein de l’équipe des données du Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC). Vraisemblablement, des services comme IBM Watson tentent de se faire passer comme telle, mais nous n’en sommes pas encore là. Toutefois, nous réussissons très bien en matière d’apprentissage machine. » 

M. Taillon, titulaire d’un doctorat en informatique de l’Université Carleton, explique la différence entre l’IA générale et l’IA faible. L’IA faible est généralement appelée l’apprentissage machine, lequel utilise des données historiques et des techniques statistiques pour créer des modèles qui peuvent ensuite être utilisés notamment à des fins d’analyse prédictive. C’est ce que font les systèmes de recommandation d’Amazon et de Netflix : ils analysent vos modes de comportement et font des suggestions en se fondant sur l’historique de vos choix. 

Dans l’industrie, les projets d’apprentissage machine jumellent habituellement des développeurs de logiciels et des experts en la matière dans leurs tâches quotidiennes. Alors que certaines entreprises se consacrent uniquement au développement de l’IA, la plupart des projets d’IA d’aujourd’hui sont menés dans des secteurs précis de l’industrie au sein de l’économie.  

« Essentiellement, un développeur en intelligence artificielle programme des logiciels pour résoudre un problème dans un domaine précis, indique M. Taillon. Dans le secteur pétrolier et gazier, les applications d’IA sont très spécifiques. Par exemple, vous êtes embauché chez British Petroleum pour améliorer la stabilité de la production et du raffinage, selon les données historiques et d’autres paramètres de modélisation précis. Ce sont les exigences opérationnelles qui guident les solutions d’IA. » 

Compétences sociales et techniques  

Les solutions efficaces en IA naissent de la combinaison de compétences en développement de logiciels techniques et de la compréhension approfondie du secteur. Une personne possède rarement ces deux ensembles de compétences. Pour être efficaces, les développeurs doivent savoir bien travailler avec d’autres personnes. Le développement en IA est généralement un sport d’équipe, ce qui signifie que les développeurs en IA doivent être de bons collaborateurs, ce qui va à l’encontre du stéréotype de l’informaticien intello solitaire. 

« Nous devons être en mesure de combler l’écart entre la technologie et l’expertise du secteur afin d’expliquer des techniques et des modèles très techniques à des chefs d’entreprises très intelligents, mais essentiellement profanes dans le domaine, et inversement », précise M. Taillon. 

Un développeur de logiciels assimile des connaissances du domaine pour bâtir la plateforme logicielle, ce qui nécessite des compétences techniques : des connaissances mathématiques, des connaissances des algorithmes et la maîtrise des langages informatiques. Selon la personne à qui vous parlez, les langages les plus communs du développement en IA sont Python, R, Java, C et C++. Chacun a ses forces selon l’application. 

Les développeurs n’ayant pas besoin de programmer des codes d’apprentissage machine à partir de zéro, le développement de l’IA s’en trouve aujourd’hui accéléré. Ils peuvent exploiter des bibliothèques de programmes déjà développés.  

« Les communautés de source ouverte représentent une évolution intéressante en informatique, poursuit M. Taillon. Il y a des dizaines d’années, les gens programmaient leurs propres routines pour effectuer des opérations matricielles, par exemple. Ultérieurement, la communauté a créé des bibliothèques de matrices très efficaces et précises, et les gens les utilisent plutôt que de programmer leur propre routine. » 

L’utilisation de matériel préformaté n’assouplit pas nécessairement les compétences techniques requises, mais elle accélère les processus et, encore une fois, témoigne de la dimension collaborative du développement en IA.  

« Comme pour toute connaissance humaine, nous sommes portés par des épaules de géants, dans ce cas-ci, des intellos géants », dit M. Taillon en riant, sans vouloir manquer de respect à quiconque. En fait, il fait partie de la même cohorte, lui qui maîtrise au moins cinq langages de programmation. 

Aujourd’hui et demain 

La demande en IA touche l’ensemble de l’économie, et les établissements d’enseignement y répondent en offrant des cours qui combinent officiellement la technologie et l’expertise du domaine. 

« Il y a maintenant des diplômes en économie et biologie computationnelle, et toute une série de cours et de programmes computationnels, indique M. Taillon. Des aspects de l’informatique et de l’apprentissage machine sont spécifiquement intégrés à un domaine particulier. » 

Au fur et à mesure que l’IA progresse, il anticipe que l’IA faible continuera d’avoir un grand impact puisque nous ne verrons pas l’IA générale pure de sitôt. Dans l’intervalle, les « attentes terriblement élevées » pour des compétences techniques demandées dans les avis d’emplois en IA deviendront probablement plus réalistes. 

« Un grand nombre de ces avis d’emplois demandent une maîtrise ou un doctorat en informatique ou mathématiques alors que les descriptions de travail ne le justifient pas du tout, signale M. Taillon. C’est très exagéré pour la plupart de ces emplois. »  

 

Peter J. Taillon, Ph. D., est analyste principal des données pour le Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC). Il possède une grande expérience dans le secteur privé et le milieu universitaire, ayant travaillé comme professeur, chercheur, consultant en gestion et développeur de logiciels auprès de petites et moyennes entreprises et d’entreprises en démarrage. Son expertise touche les secteurs de l’intelligence artificielle, de la science des données, de l’Internet des objets, des réseaux de capteurs et des données massives. En tant que stratège en intelligence artificielle et leader visionnaire, il a contribué au groupe de réflexion pilote sur l’analytique avancée et l’intelligence artificielle dans le secteur forestier, lequel a été organisé par le Service canadien des forêts de Ressources naturelles Canada. Il est également membre du comité consultatif sur l’intelligence artificielle et du groupe de travail sur l’offre de main-d’œuvre dans les villes intelligentes du CTIC. Peter détient un doctorat en informatique de l’Université Carleton, où ses recherches ont porté sur la théorie de la complexité et la complexité paramétrée en vue d’applications aux problèmes de graphes combinatoires. 

 

Paul Stastny fait partie de l’équipe des communications du Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC), où il mise sur son expérience comme journaliste pour sensibiliser à la recherche du CTIC, à ses conseils stratégiques et à ses programmes de renforcement des capacités à l’emploi. 

Par Paul Stastny