Mis à part la maîtrise de différentes techniques et d'une grande connaissance du bois et de ses propriétés, la profession de luthier exige un esprit créatif, de la minutie et surtout une grande passion pour les intruments de musique. L'Équipe REPÈRES a eu la chance de rencontrer Paul Gagné, un luthier passionné qui exerce sa profession depuis de nombreuses années dans la région de Québec. Voici ce qu'il nous a raconté.
Mon amour pour la guitare et la musique rock a fait en sorte que le métier de luthier s’est imposé naturellement à moi dès mon jeune âge. Très jeune, je jouais de cet instrument et je rêvais d’avoir certains modèles de guitares que je n’avais pas les moyens de me procurer. Le désir de fabriquer moi-même des guitares identiques à ces dernières m’a alors amené à m’intéresser à la lutherie.
Mon parcours a débuté vers l’âge de 9 ans au moment où j’ai commencé à apprendre les bases du métier en lisant des revues spécialisées. Je regardais attentivement des photos et lisais des articles qui me permettaient de mieux comprendre comment les guitares étaient fabriquées. Vers l’âge de 12-13 ans, j’aimais en démonter pour mieux comprendre comment elles avaient été conçues. À la fin du secondaire, je modifiais et ajustais des guitares les fins de semaine pour un magasin d’instruments de musique de Québec.
Je me considère donc autodidacte, bien que j’ai suivi quelques cours dans une école de lutherie au début des années 90. À la même période, je me suis fait offrir un emploi à temps plein dans l’atelier d’un magasin de musique. Entre la formation et l’emploi, mon horaire est devenu vite très chargé. J’ai donc décidé après quelque temps de quitter l’école et de continuer de parfaire mes connaissances par moi-même. Ces cours m’ont cependant permis d’acquérir des notions de base très importantes sur les propriétés du bois, les techniques de sculptage et de travail du bois, le sablage, la fabrication et la modification d’outils, etc.
En étant maintenant à mon compte, mon horaire est très différent du temps où je travaillais selon un horaire plutôt régulier pour un magasin de musique. Mon horaire est maintenant variable et je dois souvent être disponible 7 jours par semaine afin de pouvoir répondre aux demandes des artistes. Certains ont besoin de leur instrument pour un concert, une pratique ou un enregistrement, alors je dois pouvoir réaliser les travaux en respectant les délais. Normalement, je commence mes journées avec des tâches d’ajustements, de changements de cordes ou autres réparations qui exigent peu de temps.
Je réserve parfois une partie de mes après-midis pour aller acheter mon matériel ou récupérer des instruments que certains magasins me demandent de réparer en sous-traitance. J'effectue souvent en soirée de plus gros travaux qui me demandent d’utiliser des machines bruyantes qui pourraient m’empêcher d’entendre mon téléphone et de répondre à mes clients. C’est aussi en soirée que je fais les réparations plus longues et minutieuses pour lesquelles je ne dois pas me faire déranger.
Les délais à respecter sont parfois très courts pour un luthier. Il y a plusieurs années, dans le cadre du Festival d’été de Québec, un groupe provenant d’Irlande est arrivé en ville 3 jours avant sa prestation et a constaté que plusieurs guitares avaient été endommagées pendant le voyage. J’ai eu à peine 2 jours pour effectuer toutes les réparations afin que les membres du groupe puissent se servir de leurs instruments sur scène le soir du spectacle.
Plus jeune, j’ai aussi fabriqué une guitare que j’ai offerte en cadeau à mon idole depuis toujours, Rudolf Schenker, guitariste du groupe allemand Scorpions. Il a utilisé ma guitare plusieurs fois sur scène et nous sommes devenus amis. Plusieurs années plus tard, l’organisation du groupe m’a demandé de fabriquer une nouvelle guitare (image ci-jointe) qui serait utilisée par ce guitariste dans le cadre d’une publicité avec un fabricant automobile en Allemagne. Ma guitare a donc été utilisée régulièrement sur scène par Rudolf Schenker et est apparue dans plusieurs publicités là-bas.
La lutherie est un domaine qui comprend tous les instruments à cordes tels que la guitare, le violon, le violoncelle, etc. Il est malheureusement impossible d’être un spécialiste de chacun de ceux-ci. Chaque instrument requiert des outillages spécialisés et des techniques de fabrication ou de réparation qui lui sont propres. La personne qui désire faire ce choix de carrière doit d’abord décider quel instrument l’intéresse le plus afin de se former en conséquence.
Dans mon cas, ma passion pour les guitares électriques m’a également amené à me perfectionner dans tout ce qui touche le côté électronique de cet instrument. Je ne me considère donc pas seulement comme un luthier, mais également comme un technicien de guitares.
Outre une formation en lutherie qui permet d’acquérir les bases du métier, il est important à mon avis de parfaire ses connaissances continuellement dans des domaines tels que les arts plastiques, l’électronique, la lutherie, les types de finition du bois, etc. afin d’être en mesure de mettre en place de nouvelles façons de faire lorsque vient le temps de fabriquer ou de réparer une guitare. Les problèmes à résoudre sont très variés et parfois complexes, il est donc important de faire preuve d’ingéniosité pour les résoudre. Finalement, la maîtrise de l’anglais est un atout non négligeable puisque presque toute la documentation nécessaire pour travailler et se former est en anglais.