Entrevue avec une joaillière

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
5 janvier 2021
Joaillière

Nous vous proposons d'explorer l'univers d'une joaillière grâce à Anne-Catherine Vézina qui a accepté de nous rencontrer. En plus de nous parler de sa réalité au travail, elle nous explique ce qui l'a amenée à utiliser un matériau très particulier pour réaliser ses créations.

Anne-Catherine Vézina
Création Anne4therine 
Joaillière 
Question
Comment avez-vous choisi votre profession et quel a été votre parcours?
Réponse

L’idée de devenir joaillière m’est venue par hasard, en fabriquant un bijou à ma mère pour son anniversaire. Après quelques recherches, je me suis inscrite au programme de formation menant au diplôme d’études professionnelles en bijouterie-joaillerie. Pour moi, il n’était pas question de faire de la vente et de la réparation dans une bijouterie; ce qui m’intéressait, c’était la création de ma propre ligne de bijoux. Pour ce faire, j’ai bonifié mes connaissances avec une autre formation en lancement d’entreprise.   

J’ai toujours été une amante de la nature et de la chasse, et cela teinte mes créations. Quand j’ai récolté mon premier orignal, j’ai immédiatement ramassé ma douille vide pour conserver un souvenir de ce moment mémorable de chasse avec mes grands-parents et mon oncle. C’était vraiment important pour moi de faire quelque chose avec cet objet pour me rappeler cet événement, alors je me suis fait un pendentif, que je porte toujours sur moi. Ce bijou m’a d’ailleurs inspiré toute une collection à partir de douilles recyclées. Ce que je crée est très varié et va jusqu’aux bijoux funéraires. J’ai mon atelier à Lévis et j’exploite une boutique en ligne depuis 2011.     

Question
À quoi ressemble le travail d’une joaillière? 
Réponse

Vu que j’ai ma propre entreprise, mes tâches vont bien au-delà de la création de bijoux. Je m’occupe des réseaux sociaux pour promouvoir les ventes, je veille à l’achat du matériel dont j’ai besoin pour la fabrication, j’assure le service à la clientèle, je gère la boutique en ligne, je fais l’envoi postal, etc. Mon horaire s’établit en regard des commandes reçues et mes tâches dépendent du type de bijou à fabriquer. Les journées ne sont jamais pareilles. Pour créer les boucles d’oreilles à partir de douilles, par exemple, je commence par les scier une à une à la main. Ensuite, je sable et je polis la partie que je veux utiliser, puis j’en fais le montage selon le modèle choisi. J’ajoute parfois un cristal au goût du client.   

Pour d’autres créations, comme les boucles de ceinture ou les porte-clés, je scie à la main la forme voulue en suivant un dessin qui a été collé sur une plaque en aluminium. Je coule ensuite de la résine à l’intérieur de la forme produite. Outre mon banc de bijoutier, j’ai un poste de polissage qui comprend certains éléments comme un appareil à ultrasons, un dépoussiéreur et une baratte magnétique. Ce dernier appareil me permet de durcir le métal d’un bijou ou encore de faire une finition givrée. Je fais également de la soudure et je travaille avec des outils rotatifs, donc je dois continuellement veiller à ma sécurité en m’attachant les cheveux et en portant un équipement de protection adéquat.   

  

Question
Qu’est-ce que vous aimez le plus et le moins dans votre travail? 
Réponse

Je participe à beaucoup de salons en lien avec la nature, la chasse et la pêche pour promouvoir mes produits. J’aime bien rencontrer les gens lors de ces événements et échanger avec eux, car le travail en atelier est plutôt solitaire et les contacts sociaux me manquent parfois. Ils me racontent leur chasse et leurs souvenirs. Mis à part le traditionnel panache, plusieurs chasseurs et chasseuses conservent la douille qui leur a permis de récolter leur trophée. Certains me la transmette afin que j’en fasse un bijou personnalisé. C’est important pour moi que la personne puisse porter quelque chose qui lui ressemble et j’aime que mes créations aient une signification qui aille au-delà du produit lui-même. Le travail manuel en atelier est quelque chose d’imprévisible et parfois, même si je m’applique, mes manipulations ne donnent pas le résultat escompté. Ça demeure de l’art! Donc dans ce cas, je remets certaines tâches à plus tard et je me concentre plutôt sur l’assemblage, car il ne faut surtout pas se blesser. 

Question
Avez-vous des anecdotes ou des faits marquants à nous raconter? 
Réponse

Je n’ai pas pignon sur rue, mais ma boutique en ligne m’a permis de vendre mes créations jusqu’à Singapour et même en Afrique et en Australie. J’ai également eu des contrats avec diverses entreprises dont Simons et Chandaildeloup.com. Un jour, j’ai reçu une commande de plus de 300 paires de boucles d’oreilles. Ça en fait, des douilles, en un seul contrat!   

Je recycle les douilles utilisées pour les exercices de tir, donc aucune de mes collections n’est faite avec des douilles qui ont servi à récolter un animal. Ce n’est qu’un bout de métal. J’ai actuellement un partenariat dont je suis très fière avec Aventure Chasse Pêche (ACP). Dans l’émission produite par TéléMag, les animateurs Martin Bourget et Kate Nadeau Mercier portent mes bijoux et on peut voir sur le plateau des plaques que j’ai créées avec les logos ACP et Filles de bois, qui est une communauté visant à donner une place aux femmes dans l’industrie de la chasse, de la pêche, de la trappe et du plein air. Je suis également une collaboratrice de la relève, ce qui m’a permis de participer à l’émission lors d’une chasse à l’ours. Tout ça m’offre une belle visibilité.  

Question
Qu’est-ce que vous diriez à une personne qui désire faire ce choix de carrière? 
Réponse

 Choisir un travail que l’on aime est certainement le plus beau cadeau qu’on puisse se faire. Pour se familiariser avec la profession, il existe une panoplie de cours grand public qui portent sur la création de bijoux. Si cette personne aime le métal, les pierres, la création en tant que telle, qu’elle est minutieuse et habile de ses mains, c’est une bonne base. Avoir sa propre entreprise demande beaucoup de travail et de patience et ce n’est pas donné à tout le monde. Pour se lancer en affaires, il faut se démarquer. Pour ma part, j’ai développé un créneau avec quelque chose d’original et c’est ce qui me permet de me tailler une place à travers la panoplie d’offres de bijoux qu’il y a sur le marché. Il peut être difficile au début de trouver son propre style, mais il faut déterminer une ligne de conduite pour que les gens reconnaissent la marque. Une des plus belles satisfactions, c’est quand j’entends : « Waouh! Ton bijou, c’est du Création Anne4therine »  

Entrevue réalisée par Pascale-Andrée Boivin