Les monteurs-assembleurs participent activement aux projets de construction. Ils comprennent les plans et les schémas et s’affairent à les transposer dans la réalité. C’est en partie grâce à eux que prennent forme des bâtiments publics et certaines structures grandioses. Audrey Berthiaume a partagé avec nous son vécu professionnel au féminin et raconté le contexte si particulier de ce travail en hauteur.
J’ai découvert le métier de monteur-assembleur lors d’un voyage dans l’Ouest canadien où je me suis liée d’amitié avec des personnes qui faisaient ce métier. À l’époque, je n’avais aucune connaissance du domaine de la construction et, lorsqu’elles m’ont expliqué en quoi consistaient leurs tâches, j’ai trouvé ça vraiment impressionnant. En voyant mon intérêt, elles m’ont présenté une fille qui travaillait dans ce domaine, et ça m’a permis de réaliser que c’était un rêve accessible. Ça faisait longtemps que je cherchais un métier qui me permettrait de garder la forme tout en travaillant. Étant donné que je voulais revenir au Québec, j’ai cherché de l’information pour m’inscrire au programme Montage structural et architectural et obtenir mon diplôme d’études professionnelles (DEP). C’est à ce moment que cette belle aventure a commencé.
Lorsqu’on monte une structure, on travaille en étroite collaboration avec les grutiers, car on doit déplacer des pièces qui sont parfois très lourdes et les apporter à l’endroit voulu selon le plan. Parfois, il faut également les déplacer d’un coté à l’autre d’une structure, et d’autres outils de levage, comme des palans à chaîne, nous aident dans ce genre de situations. Nous procédons par la suite à l’assemblage de la structure et, pour ce faire, nous devons marcher en hauteur sur des poutres d’acier parfois très étroites. Il y a également plusieurs autres tâches à effectuer, telles que le boulonnage, pour fixer les poutres entre elles, et la soudure, pour finaliser la structure. Comme nous sommes appelés régulièrement à souder, je me suis spécialisée dans ce domaine.
Lorsqu’on arrive sur le chantier, on prend connaissance de ce qui a été planifié et de ce qu’on doit accomplir durant la journée. Pour effectuer les tâches, on est généralement jumelé en équipe de deux personnes. On peut monter dans la structure et en descendre par des accès installés à cet effet, soit des échelles ou des nacelles avec un bras articulé. La sécurité prime et tout ce que nous utilisons doit être attaché sur nous pour éviter que ça tombe sur quelqu’un plus bas. Nous portons une ceinture à outils, où l’on trouve une barre de connexion, des clés coniques, une masse, etc. En plus de ces éléments, nous devons toujours avoir des boulons à portée de main, car c’est ce qui va nous permettre d’assembler la structure au fur et à mesure. Nous sommes également équipés d’un harnais qui nous protège des chutes, en plus des systèmes de protection contre les chocs électriques.
Je suis une personne qui aime beaucoup bouger et, dans ce métier, c’est toujours différent et ça me plaît de changer fréquemment de projet et d’équipe. Même s’il est récurrent de lire un plan et de le transposer dans la réalité, ce n’est jamais le même défi d’une structure à l’autre. Le travail en hauteur nous donne également accès à des moments privilégiés, comme un point de vue unique sur un splendide coucher de soleil. Lorsque je pense à tout ce que j’ai fait depuis six ans, je suis vraiment fière de moi et d’autant plus parce que je suis une fille. Actuellement, nous sommes une trentaine de monteuses-assembleuses au Québec. Ce choix devient de plus en plus populaire pour les filles, car c’est un métier où les hommes ont beaucoup de respect envers nous. Je n’ai pas connu d’intimidation, c’est plutôt comme une confrérie. J’aime beaucoup la reconnaissance que je reçois de mes pairs en ce qui a trait au travail que j’accomplis.
D’un autre côté, faire face aux intempéries sera toujours quelque chose d’exigeant. S’il tombe de la neige, on peut toujours l’enlever, mais le danger augmente lorsqu’il pleut. Quand les poutres sont glacées, on utilise des torches au propane pour faire fondre la glace et pouvoir ensuite marcher dessus. Parfois, on a recours à des nacelles qui nous transportent dans un panier au bout d’un bras articulé au lieu d’être sur la structure pour faire nos travaux. Lorsque les intempéries occasionnent de trop grands risques pour la sécurité, on doit arrêter les travaux. Les grands vents, par exemple, nous limitent dans l’exécution de nos tâches sur le chantier, car l’utilisation des grues et des nacelles est alors impossible.
Le travail que l’on fait sur une charpente d’acier lorsqu’on érige l’ossature d’un édifice ou d’une structure est le plus connu des gens en général, mais il y a également une autre facette à notre métier, soit la fabrication ou l’installation d’articles de fer ornemental, notamment pour les escaliers. De plus, il est fréquent de changer d’employeurs et de chantiers. En fait, on n’a pas de curriculum vitæ. Lorsqu’on a obtenu le certificat de compétence-compagnon pour le métier de monteur-assembleur de la Commission de la construction du Québec (CCQ), on est sur le même pied d’égalité que tous les autres qui ont la même qualification et on fait partie d’un bassin de main-d’œuvre. Ce sont donc les entreprises qui doivent communiquer avec la CCQ pour cibler des candidats lorsqu’ils cherchent des employés.
Pour ma part, je ne connais aucun monteur-assembleur qui n’a pas une sensation de haut-le-cœur lorsqu’il est perché très haut sur une structure et qu’il regarde en bas. Cependant, cette sensation est différente du vertige, qui, lui, est paralysant. Au début de mon programme de formation, on m’a demandé de monter sur un échafaudage d’environ 8 mètres (25 pieds) de haut. Je croyais que je ne serais pas capable et aujourd’hui, je n’y pense même plus. J’ai participé à la construction du pont Champlain pendant deux années et j’y suis retournée dernièrement pour effectuer des travaux d’entretien. Ce type de projet d’envergure est le rêve de tout monteur-assembleur. Bien que les ponts et les divers édifices soient les chantiers principaux sur lesquels on est appelés à travailler, d’autres types de projets nécessitent également notre présence, comme la construction de barrages, d’éoliennes, de raffineries ou de parcs de panneaux solaires.
Il est nécessaire d’être débrouillard, polyvalent et préparé à toute éventualité, car on peut, par exemple, passer un hiver au chaud à travailler à l’intérieur, à rénover les escaliers ornementaux d’un hôtel, alors que le suivant, on pourra être en haut d’une tour à devoir composer avec le vent, la neige ou la grêle. De plus, bien que des connaissances ou des capacités physiques soient requises, le principal atout qu’une personne peut avoir sur un chantier est sans aucun doute sa motivation. Si elle met du cœur à l’ouvrage, qu’elle est proactive, qu’elle n’a pas peur de se dépasser, d’essayer des choses et de poser des questions, ce sera bénéfique pour elle. En tant que fille, cette attitude m’a beaucoup aidée. Il est également important de savoir composer avec la réalité de ce métier en ce qui concerne le marché de l’emploi. Les gros chantiers sont plus rares en région et, pour travailler à l’année, il y a davantage de possibilités dans les grandes villes comme Québec et Montréal. Il faut donc être ouvert à se déplacer si on n’habite pas déjà un grand centre urbain.