L'organisateur communautaire joue un rôle déterminant dans notre société par l'analyse des besoins d'une population d'une région en particulier et son implication à trouver des solutions. Mélanie Harvey nous parle avec enthousiasme de cette profession qu'elle exerce depuis déjà un bon nombre d'années et qui est intrigante pour la plupart des gens qu'elle côtoie.
J’ai su très tôt dans ma vie que je voulais me diriger vers le domaine social. Un jour, j’ai demandé à la travailleuse sociale de mon école secondaire s’il était possible de dîner avec elle afin qu’elle me parle de son parcours. Elle avait fait du travail de rue avant de bifurquer vers le travail social en milieu scolaire, et je trouvais ça bien inspirant. C’était décidé, je voulais suivre ses traces! Je me suis donc inscrite au programme Techniques de travail social au cégep et, par la suite, j’ai travaillé huit ans dans le milieu communautaire où j’avais une pratique axée sur les groupes plutôt que les consultations individuelles. À cette époque, je participais à une Table d’actions préventives jeunesse qui soutient les organisations qui travaillent les jeunes en difficulté et la responsable de cette organisation était une organisatrice communautaire. Cette expérience m’a fait connaître davantage cette profession et j’ai su, à ce moment-là, que c’était la profession que je voulais exercer. En 2006, j’ai intégré le réseau parapublic, mais pour pouvoir travailler comme organisatrice communautaire, je devais posséder un baccalauréat dans le domaine des sciences humaines ou sociales. J’ai donc fait du soutien à domicile pendant un bon moment avec les aînés en perte d’autonomie tout en poursuivant mes études au baccalauréat en travail social. J’étudiais le soir et les week-ends tout en travaillant le jour. Lorsque j’ai été diplômée, j’ai obtenu le poste d’organisatrice communautaire que je désirais et j’exerce ces fonctions depuis 2013 dans le réseau parapublic.
L’organisation communautaire, c’est une pratique du travail social qui se déroule en mode collectif. Notre quotidien se résume essentiellement à trouver des réponses collectives à des besoins collectifs. Nous offrons beaucoup de soutien aux organismes communautaires. Pour ce faire, nous pouvons jouer un rôle dans leur conseil d’administration, être en lien avec les ressources humaines ou encore participer à la mobilisation des bénévoles ou des usagers. Au CISSS/CIUSSS, nous travaillons par secteurs d’intervention et avec différents programmes. Pour ma part, j’ai beaucoup de dossiers qui traitent de la santé mentale, de la jeunesse et de l’itinérance. Je suis souvent appelée à faire le lien entre le CISSS/CIUSSS et les organismes. C’est-à-dire que je dois expliquer les besoins du milieu au CISSS/CIUSSS, mais également transmettre des informations à la communauté en regard de ce que le CISSS/CIUSSS doit faire. Par exemple, je travaille actuellement sur un projet qui s’appelle « Aire ouverte ». Celui-ci consiste à offrir des services de santé globale et de proximité pour les jeunes de 12-25 ans et tous les CISSS et CIUSSS de la province doivent le déployer. Au début, j’agissais un peu comme une médiatrice, car le milieu communautaire craignait ce projet. Je me suis donc impliquée afin de l’intégrer dans le milieu selon une méthode qui respecte les besoins de part et d’autre.
Bien que j’aie un bureau, je travaille fréquemment à l’extérieur. Je me déplace directement dans les organismes, car l’essentiel de notre travail est de créer des liens. Un organisateur communautaire peut avoir des dossiers bien différents. Parfois, nous recevons des demandes de la communauté alors qu’à d’autres moments, les requêtes proviennent du CISSS/CIUSSS. Nous pouvons avoir une analyse intéressante des communautés avec lesquelles nous travaillons, car, au fil de temps, nous les connaissons très bien. Plusieurs acteurs ont de l’impact sur une communauté et nous nous préoccupons beaucoup des déterminants sociaux de la santé tels que le revenu, le logement, l’alimentation, l’éducation, le transport. Nous sommes autant en lien avec le domaine communautaire que la sphère politique, le milieu scolaire et les sociétés de développement commercial, par exemple. C’est vraiment un travail de relations, d’analyse des besoins et d’étude des communautés.
J’aime l’énergie de groupe et que les gens se mobilisent. La synergie collective me passionne, j’adore voir des gens travailler ensemble dans un même but. J’aime également l’autonomie, la latitude professionnelle et la variété que je vis au quotidien. Mon horaire est flexible, ce qui me permet d’assister à certains événements qui débordent du cadre régulier de mon travail. Par exemple, je peux aller à un conseil de quartier qui se déroule le soir. Par la suite, il m’est possible de reprendre le temps investi à un autre moment dans ma semaine ou encore le garder en banque et le reprendre plus tard. Il peut m’arriver également de travailler le week-end pour participer, par exemple, à une fête qui se déroule dans l’habitation à loyer modique (HLM) dont je m’occupe pour un dossier. C’est une belle occasion de créer des liens avec le milieu, mais cela demande une souplesse au niveau de mon implication professionnelle.
Ce que je trouve parfois difficile, c’est de me retrouver dans des situations délicates, car le CISSS/CIUSSS ne fait pas toujours l’unanimité dans la communauté. Par exemple, des gens qui n’ont pas obtenu la subvention sur laquelle ils misaient peuvent trouver cela difficile à accepter. Nous devons demeurer loyaux à notre organisation en toutes circonstances tout en utilisant notre pouvoir d’influence pour faire valoir la voix des personnes plus marginalisées. Nous devons parfois défendre leurs intérêts lorsque l’on constate qu’un programme n’est pas adapté à leur réalité. C’est important d’être toujours transparent avec notre employeur et avec les milieux avec qui l’on travaille. C’est un enjeu important.
La profession en tant que telle est vraiment méconnue. C’est très rare que quelqu’un sache ce que fait un organisateur communautaire, et ce, même dans notre propre CIUSSS, car nous sommes souvent dans la communauté. Nous nous rendons plus occasionnellement au bureau afin de faire certains suivis de courriels et de la rédaction de documents. Pour des personnes qui ne connaissent pas du tout le domaine, je résume souvent cela comme étant du travail social collectif. Nous réunissons des acteurs de différents milieux autour d’une même table pour trouver des réponses à des besoins collectifs. Dans le domaine social, c’est l’intervention individuelle qui est souvent au premier plan. Les gens savent donc plus facilement ce que font les travailleurs sociaux.
Pour notre part, nous nous impliquons partout où il y a des mobilisations et où ça touche les déterminants sociaux de la santé. C’est plus rare que nous travaillions en situation de crise, mais cela peut arriver pour organiser le soutien nécessaire dans les communautés touchées et aider à reconstruire les milieux. Plusieurs organisateurs communautaires ont également contribué à organiser des services à la population vulnérable durant la pandémie. Nous avons accompagné les organismes dans l’adaptation de leurs services en regard des mesures sanitaires et nous avons donné un bon coup de main dans les distributions alimentaires.
C’est une profession qui requiert beaucoup d’écoute et d’ouverture face aux gens de la communauté, car nous sommes toujours en lien avec des organismes qui aident les personnes en situation de vulnérabilité. Il faut également savoir défendre ses idéaux et ses principes parce que nous sommes régulièrement confrontés à nos croyances. En ce sens, la confiance en soi est primordiale, car si quelqu’un se remet souvent en question, il ne sera pas bien dans cette profession. De plus, il faut croire au changement social et non pas seulement au changement individuel. La solidarité est une valeur importante dans notre travail et il est nécessaire de l’avoir en soi. Il est également important d’avoir l’intime conviction que ceux qui n’ont pas souvent accès aux tribunes dans la vie de tous les jours ont autant de droits que les autres. Avoir une vision égalitaire des humains est nécessairement un préalable de base. Que ce soit un politicien ou une personne en situation de vulnérabilité, il ne faut pas donner plus d’importance à l’un qu’à l’autre. Chaque CISSS et CIUSSS a un nombre d’organisateurs communautaires qui leur est propre. Il est possible de ne pas avoir accès à un poste régulier au départ, alors il faut être prêt à vivre un peu d’insécurité. Cependant, cela en vaut la peine, car, selon moi, c’est vraiment le plus beau métier du monde!