Entrevue avec un soudeur

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
2 mai 2023
Simon Harvey - Soudeur

La conception de gros ouvrages maritimes nécessite la contribution d'un grand nombre de professionnels, de la planification jusqu'à la mise à l'eau. La collaboration ainsi que la précision de chacun sont des incontournables dans la réussite de projets d'une telle envergure. Simon Harvey nous fait découvrir son parcours, son rôle et les différents défis qui se présentent à lui à titre de soudeur chez Industries Océan Inc.

Simon Harvey
Soudeur en chantier maritime
Industries Océan Inc.
Question
Comment avez-vous choisi votre profession et quel a été votre parcours?
Réponse

La profession de soudeur était assez méconnue pour moi. Dans mon réseau, j’avais un oncle et des cousins qui étaient soudeurs, mais je n’avais pas échangé avec eux à ce sujet. 

Au début, c’est plutôt la profession de forgeron (ferblantier) qui m’attirait, mais dans une envie d’avoir de meilleures perspectives d’emploi j’ai opté pour les études en soudure. Après l’obtention de mon diplôme d’études secondaires, j’ai commencé le diplôme d’études professionnelles en soudage-montage au CFP de Québec. C’est une formation de deux ans et durant l’arrêt d’été j’ai travaillé dans un atelier de soudure. À la suite de ma formation, j’ai fait un stage de deux semaines au chantier de construction navale Industrie Océan à l’Ilse-aux-Coudres. Comme j’habite cet endroit, je croisais souvent le chantier et maintenant j’y travaille depuis la fin de mes études. 

Question
Quelles sont vos tâches dans une journée type de travail?
Réponse

La soudure se divise en deux mondes, je dirais même deux univers. Il y a le travail en atelier de soudure où ce sont des tâches plutôt « à la chaîne » qui vise la conception de pièces uniformes selon des spécifications précisées, et qui s’effectuent souvent en position assise à une table de travail. Il y a aussi le travail « hors norme » où le soudeur ne peut pas prévoir à l’avance le déroulement de sa journée. C’est le travail « hors norme » qui m’a conquis.  

Dans mon type travail, au début de la journée je dois prendre connaissance des travaux à faire, des équipements requis et de ceux qui sont disponibles. Je dois aussi planifier l’ordre de mes actions pour optimiser mon temps, comme planifier un autre projet après avoir terminé ma première tâche. Cette planification est essentielle, non seulement pour assurer la bonne solidité des travaux, mais aussi pour permettre à d’autres corps de métiers (plomberie, électricité, etc.) de réaliser leurs tâches. La planification est aussi essentielle pour assurer la sécurité, car, par exemple, nous travaillons régulièrement en espace clos. Ce travail en espace clos exige des conditions différentes, telles que la présence d’une personne pour surveiller, la disposition d’un éclairage suffisant, l’ajout de matériel de ventilation pour éloigner les fumées nocives, etc. Comme nous travaillons à l’extérieur, nous sommes souvent soumis aux intempéries, ce qui fait qu’une journée même bien planifiée peut se dérouler autrement. Il n’y a pas que la météo qui peut avoir un effet sur notre planification et bouleverser la journée, mais aussi des urgences, des réparations ou des bris. 

Question
Qu’est-ce que vous aimez le plus de votre profession?
Réponse

Ce que je préfère dans mon métier, c’est qu’il n’y a pas de routine. Les projets sont nombreux et remplis de nouveaux défis. Que ce soit par le choix des méthodes, les apprentissages à faire, les positions physiques qu’on n’a jamais tentées, etc. Il y a toujours des limites que nous devons repousser, et c’est une grande motivation ! 

J’ai aussi la fierté de contribuer à laisser des bateaux fonctionnels, à avoir contribué à ces projets concrets. À la fin de mes journées, je suis fier de ce que j’ai accompli. 

Question
Quels sont les points négatifs, les défis ou les difficultés de votre travail?
Réponse

Être soudeur sur un chantier maritime est un travail qui est difficile physiquement, car nous devons travailler dans des positions difficiles, en présence de fumée et de rayonnement de lumière. En bref, il y a toutes sortes de dangers qui nous entourent. Heureusement, nous avons tous les équipements de protection requis ainsi que de nombreuses mesures de sécurité pour nous protéger, mais ces dangers peuvent aussi devenir un défi

Question
Quels sont les aspects méconnus de votre profession?
Réponse

Pour mon travail en chantier maritime, un aspect moins connu, c’est que notre travail se doit d’être plus rigoureux, car l’aspect d’ingénierie est différent dans la construction d’un bateau par rapport à la construction d’un bâtiment, par exemple. Une plus grande précision est exigée, mais c’est en réussissant des tâches à ce point exigeantes que l’on gagne en assurance et en autonomie. Au début de notre carrière, on apprend beaucoup en accompagnant les travailleurs expérimentés dans leurs tâches. Ce qui est méconnu aussi, c’est que l’on fait souvent des « travaux impossibles ». C’est-à-dire qu’on est très serrés sur des bateaux et on fait bien souvent des miracles pour arriver à réussir les travaux. En raison de l’espace restreint, le défi est plus grand pour coordonner la présence des différents corps de métiers et pour mettre en place toutes les mesures de sécurité.  

Question
Qu'est-ce que vous diriez à quelqu'un qui désire faire ce choix de carrière?
Réponse

Il faut aimer relever des défis! C’est un travail où l’on doit chercher les solutions, où l’on doit être prêt à apprendre de nouvelles techniques. On peut toujours s’améliorer dans ce métier. Cet apprentissage continu fait aussi en sorte qu’il ne faut pas craindre de faire des erreurs, recommencer son travail et apprendre de ses erreurs. Dans notre métier, les meilleurs sont souvent ceux qui ont fait le plus d’erreurs. C’est en étant exposé à des défis toujours plus grands que l’on gagne en expérience. 

Notre travail demande beaucoup de précision et de minutie, cependant certains se spécialisent dans la soudure grossière et d’autres dans la soudure de précision. L’esprit d’équipe est nécessaire et fait que tout le monde se complète sur le chantier. Il est important aussi de faire preuve de débrouillardise et surtout d’accepter de recommencer son travail quand il ne répond pas aux attentes. 

Question
Constatez-vous une évolution de votre métier depuis que vous avez commencé à l’exercer?
Réponse

Je suis dans la profession depuis seulement deux ans et je peux vous confirmer que je vois déjà une évolution. C’est au niveau de la sécurité que j’ai vu des améliorations. La protection prend une plus grande place et les gens sont plus conscients des dangers et se protègent en portant les équipements de sécurité plus assidument. 

Question
Est-ce que votre travail exige des capacités particulières?
Réponse

Il faut avoir une bonne tolérance au climat chaud, froid ou humide. C’est un travail que l’on fait à l’année, à la merci des éléments météorologiques. Il faut aussi avoir une bonne forme et endurance physique, car le matériel est lourd et on doit le contrôler même dans des positions inconfortables. Un soudeur se doit aussi d’être capable de maintenir sa concentration sur de longues périodes que ce soit en atelier d’usinage ou en travaux « hors norme ». 

Entrevue réalisée par Annie Bédard