Selon l’endroit où il travaille, le consultant budgétaire peut revêtir autant un rôle de soutien que de consultant. Guylaine Corriveau nous révèle les multiples facettes de sa profession qu’elle exerce dans un organisme communautaire.
J’ai toujours su que j’avais le feu sacré de la relation d’aide. Cela a teinté l’ensemble de mon parcours scolaire et professionnel. Au cégep, je me suis dirigée vers les sciences humaines avec mathématiques, et ce, malgré mon manque d’attrait pour les chiffres. Ce qui, en passant, peut sembler assez surprenant pour une consultante budgétaire. J’ignorais que le budget deviendrait mon outil d’intervention. Cependant, mon objectif d’alors était clair : entrer au baccalauréat en service social à l’Université de Montréal. Pour l’atteindre, je devais choisir cette option. Au cours de ma formation universitaire, j’ai effectué un stage dans un centre de santé et de services sociaux, communément appelé CLSC. Cela m’a permis de constater que je carburais à la relation d’aide, mais que les nombreuses formalités associées à ce milieu me correspondaient moins.
En parallèle, j’ai gravité dans le milieu de la restauration, de la formation et des ressources humaines jusqu’à ce qu’un évènement heureux se pointe : l’arrivée de mon fils. C’est à l’occasion d’un déménagement dans la région de Charlevoix que la relation d’aide est revenue plus concrètement vers moi en intégrant le monde du communautaire. À la suite d’un contrat d’agente de projet, j’ai obtenu un poste de formatrice en alphabétisation que j’ai occupé pendant plus de 14 ans. Étant donné que ma flamme relationnelle et communautaire avait besoin d’être nourrie encore plus, j’ai postulé pour un emploi de consultante budgétaire au Centre Communautaire Pro-Santé, où je travaille depuis maintenant deux ans.
Dans le milieu où je travaille, il est très difficile de détailler une journée type en raison du nombre important de demandes d’aide qui ponctuent la journée et qui chamboulent l’horaire. Cependant, certaines tâches reviennent, plus fréquemment, dans le cadre de mon rôle de consultante budgétaire, telles que la réception des demandes d’aide, l’établissement d’un ordre de priorité et la planification des rencontres avec les clients. Pendant les entretiens, je dois m’assurer d’instaurer un climat de confiance pour que ces derniers soient disposés à révéler des informations personnelles et sensibles qui m’aideront à déterminer la meilleure manière d’apporter mon soutien. À la suite de la collecte de l’information, j’établis un budget afin d’obtenir un portrait financier réaliste. Selon les besoins de la clientèle, il m’arrive d’effectuer un suivi budgétaire.
Selon le type de demande, je peux offrir de l’aide alimentaire, vestimentaire ou financière. Il m’arrive aussi de proposer des pistes de solution afin d’aider le client à équilibrer son budget. À la suite de chaque intervention, je rédige des notes évolutives pour consigner l’information. Étant donné que je travaille dans un centre communautaire très sollicité et parfois en manque d’effectifs, je suis amenée à adopter des rôles qui sont parfois « en dehors » du rôle habituel du consultant budgétaire. Par exemple, j’apporte du soutien à la banque alimentaire en effectuant, entre autres, la gestion et la distribution alimentaire. Évidemment, ce n’est qu’une partie de mes tâches, car pour travailler en milieu communautaire, la polyvalence est de mise.
Au départ, la partie axée sur l’analyse budgétaire du travail me questionnait, puisque je ne suis pas une grande adepte des chiffres. Par ailleurs, ayant la chance de travailler dans un milieu axé sur l’entraide, j’ai rapidement découvert que la réalisation d’une grille budgétaire est un prétexte pour entamer un processus d’aide plutôt qu’un but en soi. Il est important de savoir qu’en milieu communautaire, ce type d’emploi se résume plus à la relation d’aide qu’à un calcul budgétaire. Ainsi, le contact avec l’humain devient l’essence même du travail. C’est ce qui me permet d’alimenter ma flamme. Mon travail me fait sentir utile, il me fait voir concrètement les bienfaits que je procure aux personnes qui frappent à ma porte. De plus, j’ai la chance de travailler avec une équipe formidable qui m’apporte un soutien constant. Je suis en mesure d’apporter de l’aide rapidement et j’ai beaucoup de latitude. Tous ces éléments me permettent de conserver mon entrain, ma jovialité et mon positivisme et à passer au travers des journées très remplies.
Dans l’emploi que j’exerce, il n’y a pas toujours de barèmes clairs sur le niveau d’aide que l’on doit apporter. Au début de mon mandat, j’ai eu à me questionner sur les limites de mon rôle. Heureusement, mon champ d’action s’est précisé au fur et à mesure de mes interventions. Un autre aspect de mon emploi est qu’il est particulièrement énergivore mentalement et physiquement. Mentalement, car je suis constamment en relation d’aide avec des personnes qui se retrouvent en situation de détresse. Physiquement, car lorsque je suis en support à l’aide alimentaire, je dois manipuler des caisses d’aliments assez lourdes. En résumé, je suis constamment en action et j’ai dû apprendre à économiser mon énergie.
Lorsque les personnes voient mon titre d’emploi, elles croient souvent que je suis une planificatrice financière : ce qui n’est pas du tout le cas. D’ailleurs, il m’arrive de remettre en question mon titre d’emploi. Je considère que j’ai plus un rôle de soutien budgétaire qu’un rôle de consultante puisque, dans le milieu communautaire, ce type d’emploi est beaucoup relié à l’intervention. De ce fait, je me considère plus comme étant une intervenante en soutien budgétaire. De plus, lorsque je parle du type de clientèle qui fréquente l’organisme, la majorité des personnes sont surprises de la diversité de notre clientèle et du nombre important de demandes d’aide que nous devons traiter chaque jour.
Pour exercer cette profession, particulièrement dans ce type de milieu, il faut adhérer à des valeurs d’empathie, de non-jugement, d’écoute et de bienveillance. De plus, il faut avoir une certaine habileté à jongler avec le budget pour apporter des solutions concrètes et réalistes. Il faut aussi être en mesure de tisser des liens étroits avec les intervenants travaillant dans d’autres organismes, car la problématique du client n’est souvent pas que financière, elle s’inscrit dans un contexte social qui a souvent beaucoup de ramifications. De ce fait, il faut bien connaître les ressources pour être en mesure de référer au besoin et d’apporter une aide plus globale.
Je suis en poste depuis deux ans et j’ai déjà pu constater une évolution dans l’augmentation du nombre de demandes et la diversité de la clientèle qui frappe à notre porte. Étant donné le contexte économique et social actuel difficile (ex. : pénurie de main-d’œuvre et de logements, inflation, etc.), les demandes d’aide proviennent de plus en plus de clients immigrants non francophones, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cela nous amène à développer des compétences en communication en anglais ou en espagnol et à utiliser des moyens technologiques afin d’être en mesure d’échanger avec les clients. Côté budgétaire, l’utilisation du logiciel Excel, a grandement augmenté la qualité du rendu et son efficacité. Il faut toujours garder en tête que plus nous sommes efficaces, plus le volume et l’efficacité de l’aide augmente.