Entrevue avec un animateur 3D

REPÈRES ta carrière (Entrevues)
25 juin 2024
Photo Jean-Simon Paquette Perreault

L’univers de la 3D est souvent méconnu. Dans cet entretien, Jean-Simon Paquette-Perrault lève le voile sur ce métier fascinant où il côtoie des créatures imaginaires et des personnages fantastiques au quotidien. 

Question
Comment avez-vous choisi votre profession et quel a été votre parcours?
Réponse

Déjà au primaire et au secondaire, j’étais attiré vers les tâches liées à la réalisation d’un montage vidéo ou d’un PowerPoint. Le cours sur les multimédias était mon préféré. À ce moment, j’ignorais l’existence du métier d’animateur 3D. Malgré mon attrait pour l’univers du multimédia, je désirais devenir un pilote d’avion. Ainsi, à la fin du secondaire, je me suis inscrit à l’École nationale d’aérotechnique (ÉNA) en maintenance d’aéronefs pour avoir un atout de plus en poche durant mes vols. C’est alors que j’ai réalisé que les emplois liés à l’aviation étaient difficilement conciliables avec la vie de famille et que j’avais besoin de mieux exploiter mon côté artistique. À ce moment de mon parcours, je suis allé consulter un conseiller d’orientation. 

À la suite de cette rencontre, je me suis dirigé vers le diplôme d’études collégiales (DEC) en techniques d’intégration multimédia du cégep de Maisonneuve. Au cours de cette formation, j’ai réalisé, entre autres, l’apprentissage du montage vidéo, de la programmation et de la 3D. C’est à travers cette dernière que je me suis découvert un intérêt et un talent particulier. À ce moment, je ne pensais pas particulièrement aller à l’université. Cependant, à la suite de mes études, j’ai pris conscience que les emplois offerts ne concordaient pas exactement avec mes intérêts. C’est spécifiquement en 3D que je voulais travailler et il me manquait de l’expérience. Ainsi, afin de m’ouvrir le plus de portes possible avec la 3D, j’ai décidé d’entreprendre une formation à l’École des arts numériques, de l’animation et du design (NAD). Cela m’a permis de découvrir différents aspects de la 3D et cette exploration a confirmé mon champ d’intérêt et d’expertise. Diplôme en poche, j’ai décroché un emploi d’animateur 3D au sein de la compagnie FOLKS, où je travaille depuis maintenant plus de 6 ans. 

Question
Quelles sont vos tâches dans une journée type de travail?
Réponse

Ce qui est particulier dans mon travail, c’est qu’il est très spécialisé. Ma tâche principale consiste à faire bouger des objets, des créatures ou des personnages en 3D. Il faut savoir que pendant un tournage, ce n’est pas toujours possible de capturer toutes les performances ou les personnages. Ainsi, avec l'aide de la 3D, un collègue crée l'objet, le personnage ou la créature et je le fais bouger afin qu'il s'intègre bien dans le contexte. Pour cela, la bonne compréhension de l’histoire est primordiale. Il faut parvenir à créer le mouvement attendu, et ce, le plus naturellement possible, en fonction de l’émotion véhiculée. Bien que l’on retrouve la 3D dans les dessins animés ou dans les jeux vidéo, nous travaillons principalement sur des projets de films et de série. En tant qu’animateur 3D, il m’arrive souvent de travailler une semaine entière sur quelques secondes d’animation. Ma journée est principalement consacrée à cette tâche. Généralement, mon horaire de travail est régulier. Cependant, je peux jongler avec mes heures d’entrée et de départ si cela n’affecte pas mes autres collègues, car même si je travaille souvent seul devant mon écran, je consulte régulièrement mes collègues ou mes patrons. 

Question
Qu’est-ce que vous aimez le plus de votre profession?
Réponse

Ce que j’aime le plus de mon travail, c’est de relever de nouveaux défis! Travaillant dans un univers créatif, je suis souvent amené à me dépasser. Plus j’avance dans ma profession, plus les défis sont importants. Aussi, mon expertise m’amène à les relever plus rapidement. C’est très valorisant de réaliser que je suis en mesure de créer des mouvements de plus en plus complexes. Étant donné que mon travail est très concret, je suis en mesure d’en voir le résultat. C’est très satisfaisant lorsque je constate qu’il répond aux attentes des clients et de mes employeurs. Puisque je travaille sur divers projets, j’ai la chance de réaliser plusieurs accomplissements qui me permettent de repousser mes limites. Ce que je trouve aussi enrichissant de ma profession, c’est le partage d’expertise entre collègues. Cela bonifie mon travail et me permet de me perfectionner. 

Question
Quels sont les points négatifs, les défis ou les difficultés liés à votre travail?
Réponse

Étant donné que ce métier évolue dans un univers créatif et collaboratif, notre travail est souvent évalué. Il faut donc être ouvert à la critique constructive et demeurer à l’écoute des suggestions. Cela peut être émotionnellement difficile. Il y a parfois des périodes plus achalandées, où la charge de travail dépasse l’horaire habituel. Durant ces périodes, il faut être ouvert à mettre les bouchées doubles et à allonger sa journée de travail : ce qui rend la conciliation travail-famille un peu plus difficile. Cependant, puisque ces périodes d’affluence sont peu fréquentes, elles deviennent pour moi plus motivantes que stressantes. Même si ces moments sont épuisants, ils apportent une effervescence et créent un mouvement d’entraide. On se serre encore plus les coudes, ce qui crée un élan de solidarité et renforce les liens entre les collèges. 

Question
Quels sont les aspects méconnus de votre profession?
Réponse

De façon générale, je crois que l’univers de la 3D est assez méconnu. Les gens croient souvent qu’une seule personne met la main à la pâte afin de réaliser une animation 3D. Cependant, c’est tout le contraire. Plusieurs artistes experts dans un champ précis de l’animation 3D travaillent sur la même animation. La majorité des personnes ignorent à quel point un mouvement est complexe et nécessite un travail laborieux. Bien que nous puissions travailler plusieurs heures de façon individuelle, le travail nécessite une grande collaboration avec les autres artistes. Il y a un échange d’idées et un processus de réflexion élaboré derrière chaque étape du cheminement créatif. De plus, les gens sont souvent surpris d’apprendre qu’un si grand nombre d’heures est requis pour en arriver à une aussi petite séquence d’animation. 

Question
Qu'est-ce que vous diriez à quelqu'un qui désire faire ce choix de carrière?
Réponse

Pour exercer ce métier, il faut absolument être passionné de la 3D. De plus, puisque c’est un métier où l’on s’investit personnellement, il faut avoir la capacité de s’en distancier. Il faut être en mesure de ne pas prendre les commentaires de façon trop personnelle. L’animation 3D étant un métier créatif, il faut être capable de remettre en question son travail. Puisque plusieurs personnes entrent en relation dans le processus créatif, il faut être aussi à l’écoute. Il ne faut pas oublier que le résultat final est issu d’une collaboration de plusieurs personnes. Même s’il y a une partie du travail qui s’effectue de façon individuelle, c’est aussi un travail collectif. Il faut donc avoir un bon esprit d’équipe. La patience est aussi une qualité importante, puisque dans ce métier, nous pouvons travailler plusieurs heures sur la même tâche. 

Question
Constatez-vous une évolution de votre métier?
Réponse

Même si les principes du mouvement restent toujours les mêmes puisqu’ils sont issus de la réalité, les programmes utilisés pour réaliser la création de mouvements évoluent toujours. Par exemple, la capture de mouvement est de plus en plus intégrée à notre travail. Dans notre secteur d’activité, on entend beaucoup parler de l’intelligence artificielle. Il faut s’attendre à ce qu’elle s’immisce dans nos tâches quotidiennes. L’évolution de la technologie va permettre de réaliser les tâches faciles dites « à la chaîne », ce qui nous aidera à nous concentrer sur les tâches plus complexes et stimulantes.  

Entrevue réalisée par Katia Harvey