
Thanatologue, une profession qui suscite grandement l’imaginaire. Dans cette entrevue, venez à la rencontre de Marie-Soleil Phaneuf, qui n’a rien d’un « croque-mort » et qui nous présente un métier beaucoup plus « lumineux » qu’on le croit.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été intriguée par tout ce qui concerne la mort. Déjà toute jeune, j’adorais regarder des séries télévisées d’investigation remplies de scènes de crime. Mon intérêt pour cet univers peu commun a d’ailleurs généré quelques inquiétudes chez ma mère, à un point tel qu’elle a consulté des spécialistes pour s’assurer que mon intérêt était « normal ». Ironiquement, c’est elle qui, des années plus tard, m’a parlé du métier de thanatologue. À ce moment, je n’avais jamais entendu parler de cette profession. Pour en savoir plus, j’ai contacté le collège de Rosemont. À la suite de ce contact, j’ai réalisé un stage d’un jour qui a été très révélateur pour moi. Il m’a permis de confirmer que ce métier était parfait pour moi. Ce métier allait me permettre de combiner mon intérêt pour tout ce qui entoure la mort et mon envie d’aider les gens. Dès lors, j’étais convaincue que c’était la voie à suivre.
J’ai suivi un parcours collégial en thanatologie qui donne la possibilité de se spécialiser en tant que thanatopracteur, directeur de funérailles, ou les deux. La dernière année d’études permet d’effectuer deux stages au cours desquels il est possible de préciser notre champ d’expertise selon notre profil d’intérêts et de personnalité. En ce qui me concerne, j’ai besoin d’exercer les deux fonctions pour me réaliser pleinement. Je ne pourrais pas me contenter uniquement de travailler comme thanatopractrice en laboratoire ou exclusivement comme directrice de funérailles.
Comme je travaille dans une petite entreprise, mes journées sont très variées. Lors d’un décès, ma journée commence souvent par une rencontre d'environ deux heures avec la famille endeuillée, ce qui me donne l’occasion de recueillir de précieux renseignements et de discuter des arrangements funéraires. Par la suite, j’organise une rencontre avec la personne responsable afin de remplir les documents gouvernementaux obligatoires et de planifier les funérailles. Ensuite, je m’occupe de la logistique : transport du défunt, gestion de divers documents et coordination des funérailles (production des avis de décès, contacts auprès des églises et des cimetières, préparation des objets commémoratifs, etc.). En tant que directrice de funérailles, j’accompagne aussi les familles au cours de la journée de la cérémonie. En moyenne, je dois compter dix heures d’organisation et d’accompagnement par famille endeuillée, ce qui demande une grande flexibilité et disponibilité. Je dois être disponible à toute heure du jour et de la nuit pour entamer rapidement le processus de prise en charge du défunt.
Ce qui me passionne le plus, c’est le contact humain. Je trouve cela très gratifiant d’orchestrer le dernier hommage rendu à une personne. J’aime particulièrement diriger la cérémonie funéraire. Étant perfectionniste de nature, je suis particulièrement fière lorsqu’une cérémonie se déroule parfaitement et que j’arrive à déjouer certains imprévus sans que cela paraisse. Cela me procure une montée d’adrénaline et une grande satisfaction. Il n’y a qu’une cérémonie de départ, donc une seule chance de réussir. Chaque détail compte pour offrir une célébration digne et respectueuse. Lorsque les familles me remercient en me disant que tout était parfait, je ressens une immense fierté.
Le plus difficile pour moi, ce sont les cas où des personnes décèdent dans des circonstances particulièrement pénibles : morts violentes, solitude extrême, corps retrouvés après plusieurs jours… Ce sont des réalités du métier auxquelles on ne peut jamais vraiment s’habituer. Même si j’ai une bonne capacité de maîtrise et que je fais mon possible pour garder une certaine distance émotionnelle, il n’en demeure pas moins que ces situations me bouleversent.
Il faut avoir une bonne condition physique pour exercer ce métier ne serait-ce que pour être en mesure de soulever des charges plus lourdes que la nôtre. Il ne faut pas oublier que l’on est amené à manipuler des corps qui peuvent peser plus du double de notre propre poids, surtout lorsqu’on travaille seul en laboratoire. Il est donc important d’adopter des techniques sécuritaires pour éviter les blessures. Psychologiquement, il faut être capable de faire preuve d’empathie sans tomber dans la sympathie, car cela pourrait nous affecter personnellement. Il faut savoir mettre des limites et garder une certaine distance émotionnelle pour ne pas s’épuiser. Il est important de maintenir un bon équilibre et une maîtrise de soi.
Le métier évolue, notamment en ce qui concerne l’approche beaucoup plus humaine et moins rigide que par le passé. L’image qu’on se fait de la personne qui exerce le métier de thanatologue tend à s’assouplir. Autrefois, on voyait les thanatologues comme des « croque-morts », des personnes froides et austères vêtues de noir. Aujourd’hui, nous mettons l’accent sur l’accompagnement et le réconfort des familles. De plus, il y a une montée des services de préarrangements funéraires, notamment en ce qui concerne la diversification des options funéraires comme l’aquamation et la personnalisation des cérémonies.
Il est important de savoir que les horaires de travail sont souvent irréguliers. Il faut être disponible de jour comme de nuit, les fins de semaine et même les jours fériés, surtout lorsque l’on travaille dans une petite entreprise. Dans les grandes compagnies, les horaires peuvent être plus stables, mais demeurent quand même exigeants. Côté salaire, il ne faut pas croire que c’est un métier extrêmement payant. Certaines entreprises offrent des avantages comme les assurances, mais ce n’est pas systématique.
D’emblée, pour faire ce métier, il faut être réellement passionné. Il ne faut pas le faire par simple intérêt financier ou par défaut, car il demande une immense patience et un réel engagement. La reconnaissance des familles est très gratifiante, mais il faut être prêt à faire face aux exigences émotionnelles et physiques du métier. Si un jour il m’arrivait de perdre cette passion, je suis consciente que je devrais arrêter, car il est essentiel d’être entièrement investi pour exercer ce métier de façon professionnelle.