La géographie, c’est l’art de lire les liens entre l’humain et son territoire, à travers le temps, l’espace et les transformations du monde. C’est aussi la passion de Catherine Plante, qui nous partage son parcours et sa vision d’un métier encore trop méconnu.
Je pourrais dire que le métier m'a un peu choisie. Depuis le secondaire, j'étais attirée par plusieurs domaines : l'histoire, la géographie, la musique... J'avais de la difficulté à me brancher. Ce n'est qu'au cégep, en sciences humaines profil international, que j'ai commencé à m'orienter vers la géographie, influencée aussi par mon milieu familial où l'éducation était très valorisée.
J'ai fait un bac en géographie et un certificat en histoire. Ça n'a pas été un parcours linéaire : j'ai exploré, j'ai changé de chemin, je me suis adaptée. Puis j'ai rencontré un professeur qui m'a initiée à la géographie historique, ce qui a été une vraie découverte. De fil en aiguille, j'ai réalisé un mémoire de maîtrise sur l'île aux Grues, en explorant les archives et les milieux naturels. Ce projet m'a littéralement enracinée dans la région où je travaille encore aujourd'hui.
Après quelques périodes plus difficiles — comme travailler chez Walmart pour payer mes factures post-études —, une opportunité s’est présentée grâce à l’organisme Place aux jeunes en région. On m’a offert un poste sur un plateau d’argent : c’est ainsi que j’ai commencé ma carrière en patrimoine, en lien direct avec mon bagage en géographie et histoire. J'ai su alors que j'étais à la bonne place.
J'ai commencé par un DEC en sciences humaines, profil international, avec des cours axés sur l'histoire, la géographie, la politique et l'économie. Puis, à l'université, j'ai fait un bac en géographie. J'ai aussi obtenu un certificat en histoire, ce qui m'a donné une double compétence.
La maîtrise, elle, a été exigeante. Je me suis plongée dans un projet qui aurait pu être mené par deux personnes, en géographie historique et paléoécologie. J'ai exploré les marais, les carottes de sol, les archives, les cartes anciennes... et c'est ce projet qui a dessiné mon avenir professionnel. J'y ai appris à conjuguer plusieurs disciplines pour mieux comprendre l'interaction entre l'humain et son environnement au fil du temps.
Plus tard, j'ai aussi complété une AEC en administration municipale pour mieux comprendre les rouages du monde municipal. Ce fut très utile pour mon intégration dans la MRC. Cette formation m'a permis d'ajouter une corde à mon arc, en me familiarisant avec les rôles et les responsabilités des différents acteurs municipaux.
Mon travail est très varié. Je suis à la fois aménagiste et agente culturelle. En tant qu’aménagiste, je contribue à l’élaboration du schéma d'aménagement du territoire, un document fondamental qui oriente le développement des 14 municipalités de notre MRC.
Je suis l’intermédiaire entre les exigences gouvernementales et les municipalités locales. Il m’arrive de devoir déchiffrer des cartes de risques de glissements de terrain, des données sur l'tat du réseau routier ou des programmes d'aide financière. Je participe aussi à la création de plans d'action en environnement, en patrimoine et en culture.
Comme agente culturelle, je gère une entente de développement culturel avec le ministère de la Culture. Je coordonne des projets avec les écoles, comme des ateliers sur le patrimoine bâti ou sur l'art. J’adore ce volet du travail, car je peux contribuer à sensibiliser les jeunes et leurs familles à la richesse du territoire. J'organise des expositions, soutiens les artistes locaux, et réponds aux demandes des municipalités pour valoriser leur identité culturelle.
Ce que j'aime le plus, c'est la variété et la liberté d'action. Chaque journée est différente. Je passe du travail de bureau à des activités de terrain, je navigue entre l'aménagement, la culture, l'histoire, l'écologie... C'est un métier qui stimule ma curiosité et ma capacité à apprendre continuellement.
J'aime aussi le sentiment d'utilité : quand un projet que j'ai initié touche des jeunes, des citoyens, qu'il crée un engouement autour du patrimoine ou du territoire, c'est très gratifiant. J'ai la chance de pouvoir contribuer à la mise en valeur d'un territoire que j'aime, et de travailler avec des gens passionnés. Ça donne un sens profond à mon travail.
Ce qui est difficile, c'est la surcharge. On est peu nombreux dans les MRC rurales, avec de nombreux mandats. Parfois, les demandes gouvernementales arrivent en cascade, avec des échéances serrées. Il faut savoir prioriser, improviser, être polyvalente. C'est à la fois un défi et une source de stress.
Et puis, il y a le fait que le titre de géographe est encore méconnu. On associe souvent la géographie à la mémoire des capitales, alors que c'est bien plus que ça! Faire reconnaître notre compétence dans des postes non spécifiquement désignés "pour géographes", c'est un défi constant. Il faut souvent expliquer, justifier, démontrer la pertinence de notre formation. C’est pourquoi, dès que j’en ai l’occasion, je me fais porte-parole de ma formation.
Beaucoup de gens ne savent pas qu'un géographe peut travailler en milieu municipal, en environnement, en culture, en aménagement... C'est une formation extrêmement polyvalente.
Par exemple, on peut étudier l'impact des activités humaines sur les milieux naturels, planifier le développement d'un territoire, ou encore faire de la vulgarisation pour les citoyens. Le géographe est un analyste du territoire dans toutes ses dimensions : humaine, physique, culturelle. Cette capacité à relier les enjeux entre eux est un atout majeur dans une époque où tout est interconnecté.
Il faut de la curiosité, un bon sens de l'analyse, de la rigueur. Il faut également savoir vulgariser l'information, être à l'aise pour présenter des projets, parler en public, s'adapter à ses interlocuteurs.
Le relationnel est important, surtout dans un milieu où l'on travaille avec des élus, des citoyens, des partenaires. Il faut aussi être capable de travailler en autonomie, de gérer plusieurs dossiers à la fois, tout en restant ancré dans la réalité du terrain. Et bien sûr, il faut aimer apprendre, parce que les enjeux évoluent sans cesse : érosion côtière, biodiversité, mobilité durable, etc.
Je travaille à temps plein, avec une certaine flexibilité. Le télétravail est possible selon les besoins, même s'il n'est pas officiellement institutionnalisé. On bénéficie aussi d'une autonomie dans la gestion du temps, ce qui permet de mieux conjuguer vie personnelle et professionnelle.
Le salaire est modeste par rapport à d'autres milieux, mais les avantages sociaux (assurances, REER collectif, congés mobiles et vacances) sont bons. Le plus important pour moi, c'était de choisir un milieu de vie. J'ai préféré vivre et m'investir en région plutôt que de chercher un poste plus payant en ville. Et je ne regrette pas ce choix : ici, je me sens utile, enracinée, à ma place.
Oui, notamment dans la reconnaissance des compétences des géographes. On commence à mieux comprendre notre rôle dans les projets de territoire, en environnement, en culture. Dans certaines organisations, on fait appel à nous pour notre vision globale et notre capacité à mettre les enjeux en perspective.
Il y a aussi l’émergence de nouveaux enjeux, comme les changements climatiques, l'érosion côtière, la protection des milieux humides. Cela oblige les professionnels du territoire à se former continuellement, à s’adapter, à innover. Le métier devient plus complexe, mais aussi plus essentiel que jamais.
Je dirais : soyez curieux. N'attendez pas que les opportunités viennent à vous. Allez voir sur le terrain, participez à des activités découverte, des portes ouvertes, créez votre réseau. Parlez aux gens du milieu, posez des questions, osez vous engager.
Acceptez de commencer modestement. Une première expérience en organisme sans but lucratif, même payée en-deçà de vos espérances, peut vous ouvrir des portes. Et surtout, soyez fiers d'être géographes. Notre compétence est unique, même si elle est encore trop peu reconnue. Soyez des ambassadeurs de votre formation, mettez-la en valeur partout où vous passez.
*** Des outils d'intelligence artificielle (IA), dans un environnement contrôlé et sécurisé, ont été utilisés pour soutenir la rédaction de ce contenu qui a toutefois été soigneusement retravaillé et certifié par l'Équipe Repères. ***