Lorsque nous parlons de relation d'aide, nous pensons immédiatement à un psychologue. Cependant, plusieurs autres professionnels peuvent accompagner un individu ou un couple dans une démarche vers un mieux-être. C'est notamment le cas des sexologues. Louise Lelièvre, qui porte ce titre réservé depuis quelques années déjà, nous partage sa réalité au sujet de cette profession.
Lorsque j’étais au secondaire, je me documentais beaucoup sur la sexologie en consultant des sites Web comme celui de Tel-Jeunes et je discutais souvent avec l’infirmière scolaire pour m’informer au sujet des relations amoureuses, de la sexualité, de la contraception, etc. C’était un de mes passe-temps et je suis devenue en quelque sorte la confidente de mes amies. Il y en a d’ailleurs une parmi celles-ci qui m’avait suggéré de devenir sexologue mais, à ce moment, je ne connaissais pas cette profession. Je suis originaire de la Gaspésie et je crois qu’il y avait une seule sexologue pour toute la région à l’époque. Je me suis inscrite au cégep en sciences de la nature. Bien que j’aie toujours eu de la facilité en sciences et en mathématiques, j’ai détesté ce programme. J’ai vite compris que ce n’est pas parce que j’avais des aptitudes dans certaines matières que j’avais forcément un intérêt.
Lors de mon inscription à l’université, j’ai choisi la psychologie. Après avoir complété une partie du programme, j’ai dû me questionner de nouveau, car je n’avais pas de plaisir à étudier dans ce domaine et je n’étais plus certaine de vouloir devenir psychologue. C’est à ce moment que je suis arrivée, en quelque sorte, à la croisée des chemins et que je me suis dirigée en sexologie. Cela m’a pris un certain temps avant de l’annoncer à mon entourage car j’avais peur d’être jugée pour ce choix de carrière. En effet, la profession était mal connue à l’époque et l’est encore aujourd’hui. Cela fait maintenant trois ans que j’exerce comme sexologue. J’ai travaillé au départ dans le milieu communautaire en prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) et je me suis lancée depuis un peu plus d’un an dans la pratique privée, où je fais de l’intervention individuelle.
Lorsque je travaillais dans le milieu communautaire, je faisais de l’éducation à la sexualité auprès des jeunes de 3e, 4e et 5e secondaire en animant des ateliers dans les classes. Je devais donc préparer mes animations et le matériel requis avant d’aller dans une école pour la journée. Ça ressemblait beaucoup à de l’intervention de groupes. En pratique privée, c’est différent, car je suis seule avec une personne lors des consultations dans mon bureau. Pour moi, une journée typique comprend environ trois ou quatre rendez-vous, et chaque rencontre nécessite un temps de rédaction par la suite pour ajouter mes notes au dossier. Lors des premières consultations, j’évalue les besoins de la personne en analysant toutes les sphères de sa vie. Par exemple, si une personne vient me voir parce qu’elle constate une baisse de désir sexuel envers son partenaire et qu’elle me raconte que son travail est vraiment stressant et prenant, c’est un élément que je vais considérer, car celui-ci peut expliquer la situation qu’elle vit avec son partenaire. Je n’aborde donc pas seulement la vie sexuelle et affective d’une personne mais toutes les sphères de sa vie même si, à prime abord, ça n’a pas l’air directement lié à sa sexualité. Après quelques rencontres, j’établis mon plan d’intervention en ciblant des objectifs à atteindre et des stratégies qui l’aideront à cheminer. Mes rencontres durent 50 minutes. En travaillant à mon compte, je ne suis pas obligée de suivre un rythme imposé par quelqu’un d’autre, j’ai donc davantage de liberté pour aménager mon horaire.
J’aime beaucoup l’intervention individuelle en tant que telle, car elle me permet d’établir un lien solide avec les clients afin de les aider à mieux gérer leurs émotions. Rencontrer une personne que j’ai aidée jadis lors d’une rupture amoureuse difficile, par exemple, et constater qu’elle est désormais en couple dans une relation saine, c’est ma plus grande satisfaction. J’ai beaucoup de clients qui sont des étudiants ou étudiantes du cégep et de l’université, et je trouve cela très intéressant de travailler avec eux, car cette génération est très allumée sur certains enjeux comme le féminisme et la diversité sexuelle. Ces jeunes font preuve d’une grande introspection que je ne retrouve pas aussi naturellement chez des gens de 60 ans et plus, par exemple, tout simplement parce qu’ils n’ont pas grandi à la même époque.
J’aime moins la paperasse qui fait nécessairement partie des tâches. Ça me prend beaucoup d’énergie pour rédiger toutes les notes que je dois ajouter dans mes dossiers. De plus, le secret professionnel, qui est très important à respecter, demande parfois plus d’un effort lorsqu’on habite en région et que le risque de contacts avec les clients est élevé au quotidien. Même si je réside à Sherbrooke, je dois toujours demeurer vigilante et veiller à ne pas laisser transparaître de familiarité quand il m’arrive de croiser des clients, par exemple, à l’épicerie. Cela peut également devenir lourd lorsque je mentionne que je suis sexologue dans un contexte autre que professionnel, car il arrive fréquemment que les gens s’ouvrent à moi et qu’ils me racontent des choses personnelles alors que je ne suis pas au travail. Il faut savoir faire la coupure entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle.
Il y a encore des tabous reliés à cette profession. De prime abord, certains pensent que nous parlons seulement de sexe génital, cependant la sexologie s’explique davantage par la psychologie de la sexualité. J’ai malheureusement entendu des blagues à ce sujet assez fréquemment pendant mon parcours. C’est souvent lié à un manque de connaissance mais, heureusement, l’Ordre professionnel des sexologues du Québec (OPSQ) et l’Association des sexologues du Québec (ASQ) travaillent fort dans le but d’informer la population et de démystifier notre profession. De plus, les gens croient souvent à tort qu’il est nécessaire d’avoir un problème sexuel pour consulter une sexologue. Pas du tout, car une personne peut tout aussi bien avoir besoin de nos services parce qu’elle veut travailler sur des difficultés de communication dans son couple, en finir avec une limitation qui concerne l’intimité, obtenir de l’aide pour composer avec une infidélité de la part de son partenaire ou encore pour augmenter son estime de soi.
Comme le baccalauréat et la maîtrise en sexologie mènent tous deux au titre de sexologue, il est important de savoir reconnaître les subtilités qui différencient notre pratique, tout dépendant du diplôme obtenu. Pour ma part, en ayant complété un baccalauréat, mon approche de relation d’aide se situe dans des difficultés récentes qui sont d’actualité pour la personne. Je vais m’affairer à comprendre les raisons qui la poussent à ressentir certaines émotions dans une situation précise, à reconnaître ses besoins et à y répondre. Je ne peux pas poser de diagnostic ni proposer de traitement des troubles sexuels, mais je peux accompagner la personne dans ce qu’elle vit au moment où elle vient me consulter et établir des stratégies afin de l’aider à mieux se sentir. C’est plutôt avec une maîtrise en poche qu’un sexologue pourra le faire, et il lui sera également possible de se spécialiser en tant que psychothérapeute. En ce cas, ses interventions seront différentes, car elles toucheront davantage le passé de la personne dans le but de modifier ses structures de fonctionnement interne.
Avec mon expérience, j’ai appris qu’il ne faut pas choisir une profession pour faire plaisir à son entourage. Si la sexologie passionne quelqu’un, je lui conseille de foncer, peu importe les commentaires ou les jugements des autres, car, tôt ou tard, ça le rattrapera. Notre travail a bien des facettes et il peut être totalement différent d’un milieu à un autre. Je crois qu’au départ il faut être motivé par le désir d’aider les autres et, ensuite, les intérêts reliés à la pratique deviendront plus concrets avec le temps. Si quelqu’un est à l’aise de communiquer devant un groupe, il pourra donner des conférences ou des formations, alors qu’une autre personne qui est plus timide pourra plutôt faire des rencontres individuelles. Les tâches vont varier selon le champ d’exercice. Pour ma part, j’aime m’occuper de ma comptabilité, mais je pourrais tout aussi bien déléguer cette tâche à un comptable si je voulais. Le fait d’être travailleuse autonome ne m’oblige pas à tout prendre en charge. Cependant, il est important de faire du réseautage pour se faire connaître, surtout par les infirmières qui travaillent en santé sexuelle, les médecins généralistes ou encore ceux spécialisés en gynécologie. Ces professionnels peuvent être de précieux collaborateurs en transmettant nos coordonnées à leurs patients lorsqu’ils jugent que cela leur serait utile. Si toutefois quelqu’un a besoin de plus de sécurité dans son quotidien et qu’il n’est pas attiré par le travail autonome, il peut alors travailler dans divers organismes. Ce qui est important dans le domaine de l’intervention, c’est d’avoir de l’empathie, du respect pour les autres, une volonté incessante de leur venir en aide et, surtout, une grande écoute envers les clients mais également envers soi-même tout en faisant preuve de créativité.
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