L'information géographique qui se trouvait auparavant sur une carte en papier que l'on apportait avec nous pour guider nos déplacements a été révolutionnée avec l'arrivée des nouvelles technologies. Les cartes se sont transposées sur le Web et sont devenues dynamiques en offrant une multitude de possibilités d'utilisations. Découvrez-en plus sur ce domaine avec Elizabeth Aleman qui nous parle de ses fonctions d'ingénieure junior en géomatique.
Je suis originaire du Mexique. Lorsque j’étais à l’étape de choix de carrière, ma famille et moi étions en processus pour immigrer au Canada. Ce contexte particulier a teinté mes études, car je voulais m’assurer de choisir une profession dans laquelle je pourrais travailler au Québec. Nous sommes arrivés au Canada en 2007. Nous avons tout de suite voulu faire connaissance avec des Québécois et ça nous a aidés à nous adapter à la culture et à améliorer rapidement notre français. Mon père était ingénieur au Mexique, en plus d’être professeur dans deux universités. Ça m’a certainement ouvert l’esprit quant aux diverses possibilités de l’ingénierie et éveillé mon intérêt pour ce domaine.
J’avais commencé des études supérieures en génie physique dans mon pays d’origine avec l’espoir que ces acquis puissent être reconnus une fois déménagée. Il faut savoir que le système scolaire du Mexique est bien différent de celui que l’on trouve au Québec. Lors de l’analyse de mon dossier, ma scolarité mexicaine a finalement été prise en compte, pour équivaloir à un diplôme d’études collégiales. J’ai pu dès lors m’inscrire à l’Université Laval. Cette fois-ci, j’avais choisi le génie mécanique mais, au même moment, un nouveau domaine du génie émergeait et je me suis vite laissé tenter par le génie géomatique. Le fait qu’on m’assurait un taux de placement de 100 % garanti à la fin de mes études m’a incité à modifier mon parcours, même si cela rallongeait un peu mes études. J’ai beaucoup aidé mes parents, financièrement, tout au long de notre processus d’immigration. J’avais parfois deux emplois à temps partiel en plus d’être étudiante à plein temps. J’ai été réserviste dans les Forces armées canadiennes, où j’ai travaillé en tant que technicienne en géomatique en même temps que j’occupais un emploi étudiant au ministère des Transports. Je suis présentement analyste en géomatique au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et je suis présentement en processus avec l’Ordre des ingénieurs du Québec afin de faire valider mon expérience comme ingénieure junior et devenir ingénieure.
Mon travail consiste principalement à fournir des cartes électroniques et des images géoréférencées dans des bases de données géospatiales diffusées à une clientèle interne et externe du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Plus spécifiquement, je crée des produits d’imagerie ainsi que des services Web pour alimenter l’Atlas géomatique, qui est un outil regroupant une multitude de données transposées sous forme de couches pouvant être ajoutées à une carte. Par exemple, une couche peut répertorier tous les refuges d’oiseaux migrateurs du Québec. Un biologiste qui utilisera l’Atlas géomatique, par exemple, verra donc le positionnement exact de chacun des refuges sur une carte Web. Il pourra, entre autres choses, faire des requêtes et analyser les données en fonction de ses besoins. Je travaille essentiellement à mettre tous ces éléments en place à partir d’un fichier de données brutes que je reçois. Les clients voient le produit final mais le travail de l’ingénieur en géomatique touche à tout le processus qui a été fait pour en arriver à afficher les données de positionnement d’une telle façon sur le Web comme l’analyse des données, la validation de la cohérence de la structure, l’ajustement des attributs descriptifs, la symbologie, les métadonnées et l’application des traitements au besoin tel que des changements de projections.
De plus, je suis responsable du GéoGuichet, qui est une cartothèque qui contient des jeux de données qui permettent de faire des analyses et des requêtes spatiales qui vont aider les utilisateurs dans leur processus décisionnel dans divers projets. Un ingénieur civil qui travaille au niveau des barrages ou des ponts, par exemple, peut avoir recours aux données que nous diffusons sur un secteur en particulier afin d’analyser une structure spécifique qui y est répertoriée visuellement et, ainsi, avancer dans la réalisation de son mandat. À cet effet, j’ajoute les images captées par les drones au fur et à mesure qu’elles sont disponibles. Ces photos sont si précises que nous pouvons même voir les petits cailloux sur le sol! Je m’occupe également de faire la mise à jour des services Web d’imagerie qui contiennent des orthophotographies, qui sont des photos aériennes rectifiées corrigeant ainsi les déformations diverses lors de l’acquisition des photos sur le territoire. L’imagerie correspond à une photo du territoire. En plus des images, j’affiche également des données géoréférencées comme celles du cadastre, par exemple, qui comprend la dimension des lots et les numéros des lots du cadastre rénové.
Je suis motivée par l’avancement technologique en pleine croissance que nous vivons dans ce domaine et le fait que mon travail soit très diversifié me nourrit au quotidien. Il y a toujours de la nouveauté et ça me permet de développer mes compétences. Lorsque j’ai commencé mon emploi au Ministère, je travaillais seulement au niveau du service Web. Par la suite, à l’aide d’une formation fournie par mon employeur, j’ai pu maîtriser le volet de l’imagerie et, depuis tout récemment, je travaille avec les données des drones. L’évolution est constante et le fait que l’informatique soit omniprésente dans notre travail apporte son lot de défis car, pour chaque logiciel et chaque langage de programmation, il y a toujours une nouvelle version à laquelle nous devons nous adapter. C’est bien sûr un aspect positif, car cela permet d’améliorer une plateforme ou un langage informatique, mais ça implique, de notre côté, de continuellement tenir nos connaissances à jour pour être en mesure d’utiliser adéquatement nos outils de travail. Par exemple, si une version passe de 2.0 à 3.0, le code programmé dans l’ancienne version ne va probablement plus fonctionner parce qu’il ne sera pas reconnu dans la nouvelle. Nous devons jongler avec ça au quotidien pour être en mesure de bien faire notre travail. C’est une bonne chose, car les nouveautés technologiques nous poussent à être avant-gardistes, mais ça nécessite également des efforts pour faire face aux responsabilités que nous avons envers les utilisateurs de nos plateformes.
Plusieurs personnes ne savent pas vraiment ce qu’est la géomatique et toute l’ampleur de ce domaine, qui comprend le géolocalisation par satellite (GPS), l’imagerie aéroportée ou satellitaire, la télédétection, la photogrammétrie, la cartographie numérique, les systèmes d’information géographiques (SIG), la modélisation 3D du territoire, l’utilisation des drones et des données liDAR (Light Detection and Ranging), etc. En plus de ces différents domaines d’activités, le génie géomatique peut porter sur diverses étapes du processus de production d’un outil géomatique, soit l’acquisition, la modélisation, l’analyse, le traitement et la diffusion des données localisées sur la terre.
L’application Google Maps, par exemple, que nous avons à peu près tous sur nos cellulaires, est certainement la manière la plus simple de parler de mon métier. Cette application, que nous utilisons comme GPS pour connaître le trajet à emprunter afin de nous rendre du point A au point B, a été conçue par des géomaticiens. La géomatique est en fait la combinaison des mots « géographie » et « informatique ». Auparavant, les cartes et les plans étaient diffusés en format papier et, maintenant, nous pouvons diffuser ces outils géographiques de manière informatisée sur Internet, sur des plateformes ou encore dans des portails. Il y a plusieurs façons de rendre la donnée disponible aux gens, mais notre travail consiste à en faciliter la compréhension. Pour ce faire, nous travaillons également sur certains détails visuels de présentation, afin d’élaborer une symbologie avec des couleurs ou encore à l’aide de formes spécifiques pour aider les gens à naviguer sur nos plateformes de manière conviviale et intuitive.
Puisque c’est un domaine en constante évolution et dans lequel il va toujours y avoir de la nouveauté, il importe d’être très autonome dans son apprentissage. De plus, il faut être curieux et vouloir aller au fond des choses. La géomatique est tellement vaste qu’il est impossible de tout maîtriser. Il est donc plus fréquent qu’un ingénieur en géomatique soit spécialisé dans un domaine précis et porte un titre de fonction comme celui de spécialiste en télédétection. L’expertise se développe essentiellement dans le cadre des tâches exécutées, des types de postes occupés mais aussi à travers les milieux de travail. Il importe de bien choisir ses stages pendant sa formation, car c’est un élément qui a un réel impact sur l’avenir professionnel. Il est possible d’occuper des emplois bien diversifiés dans les secteurs publics, parapublics et privés. En plus des ministères provinciaux et fédéraux, nous retrouvons des ingénieurs et/ou des analystes en géomatique dans les municipalités, les entreprises d’infrastructures publiques comme l’électricité, la téléphonie et le gaz, la recherche et le développement, etc. Peu importe le domaine, il faudra être à l’aise avec le travail d’équipe, car nous sommes continuellement appelés à travailler en multidisciplinarité avec des ingénieurs de différentes disciplines, des arpenteurs-géomètres, des agronomes, des informaticiens, des biologistes, des archéologues, des économistes, des géographes, des médecins, des aménagistes, etc.